Hilard, un quartier populaire de Laval, en Mayenne. Au rez-de-chaussée d’un immeuble, un panneau annonce l’entrée du service médical de proximité Henri Dunant. La porte s’ouvre sur une salle d’attente chaleureuse avec cinq patients. Philippe, l’un d’eux, la cinquantaine raconte sa galère.
Originaire de Normandie, il a vécu plusieurs années en Russie. De retour en France, il a retrouvé un emploi à Laval. « À l’étranger, j’ai négligé ma santé, je dois absolument faire un bilan. Depuis six mois, je ne trouve pas de médecin traitant. J’étais prêt à aller aux urgences ». À côté de lui, Brigitte et sa fille Chloé, qui habitent à Andouillé, petite commune voisine de Laval. « Mon docteur est décédé le mois dernier. Je n’ai plus de médecin traitant. En attendant l’ouverture d’une maison de santé, je viens dans ce service médical. Heureusement qu’il existe ».
Les anciens reprennent du service
Ces assurés en mal de généraliste ne sont pas des cas isolés en Mayenne où l’offre médicale est sous très forte tension. Selon le décompte de la caisse primaire, plus de 10 000 patients du département se trouvent sans médecin traitant !
Si la Mayenne manque de médecins, elle ne manque pas d’idées. Depuis juin, dans ce centre médical expérimental, les consultations sont assurées de 8 heures à 20 heures par des jeunes médecins retraités et des internes, une première du genre. « Non seulement on répondait à une urgence immédiate en faisant participer les médecins retraités mais on a essayé de faire venir des jeunes dans l'espoir qu'ils s'installent après », raconte non sans fierté le Dr François Dima. Le président de l'Ordre des médecins de Mayenne se remémore l'aventure. « Le projet a été lancé en 2015 mais faute de soutien de l’ARS, il n’a pas pu se concrétiser toute de suite ».
L'arrivée d'un nouveau préfet a fait bouger les lignes. Ordre, mairie et conseil départemental se sont retroussé les manches. « Il a fallu convaincre le département de médecine générale de la faculté de médecine d’Angers d’envoyer dans ce cabinet des internes en SASPAS [stage ambulatoire en soins primaires supervisé]. Ensuite, trouver un organisme qui prenne la gestion de la structure en salariant les médecins », confie le Dr Dominique Hérault, généraliste retraité et coordinateur du projet. La Mutualité Anjou Mayenne a accepté le défi, le temps d'expérimenter ce modèle pendant trois ans. « Le centre est géré par la mutuelle mais les médecins décident de leur planning et travaillent comme dans une maison de santé », précise le Dr Hérault.
Une forme de tutorat
Depuis l'ouverture du service de proximité, 11 médecins retraités se relaient une fois par semaine pour assurer les consultations en tiers payant. Ce matin-là, c'est au tour du Dr Marcel Blanchard. Généraliste pendant 36 ans en zone rurale, retraité depuis trois ans, il a tout de suite accepté ce challenge unique. « Je n'aime pas laisser les patients sans médecin, c'est peut-être mon sens aigu des autres. Et l'idée de prendre en charge les internes m'a toujours plu car j'étais maître de stage pendant 15 ans », confie-t-il, ravi.
Dans la deuxième salle de consultation, Maeva, interne en SASPAS, est présente une fois par semaine. « J'ai une consultation par demi-heure, ce rythme est raisonnable pour prendre en charge le patient. En cas de situation complexe, je peux demander l'avis au Dr Blanchard, mon maître de stage, ou à un autre médecin présent ». Maeva juge ces échanges très enrichissants. La jeune interne, originaire de Nice, songe même à s’installer dans le département. « Cette structure est bien organisée, nous faisons une très belle médecine générale », assurent en chœur les deux médecins et l'interne.
40 euros de l'heure
Seul bémol : l'équilibre financier fragile. Pendant l’expérimentation, la ville de Laval et le département prennent en charge les salaires des deux secrétaires ; et la Mutualité assume la rémunération des médecins, le coût des consommables médicaux et les frais de fonctionnement du cabinet. Selon le budget prévisionnel en effet, les praticiens sont rémunérés 40 euros net de l'heure (soit 400 euros pour dix heures de travail), mais sur une base de 30 consultations minimum par médecin et par jour (recettes). Faute d'atteindre ce seuil depuis l'ouverture, chaque médecin ne perçoit environ que 261 euros net par jour en moyenne.
« On a accepté de salarier les praticiens sur le modèle inspiré des centres de santé, ce qui nous met en difficulté par rapport aux rémunérations attendues par les médecins (...). Nous allons essayer de trouver des solutions pour pérenniser la structure et payer les médecins au niveau prévu », explique Anne-Marie Lemessager, directrice du pôle santé autonomie à la Mutualité Anjou-Mayenne.
Pour l'heure, les médecins retraités volontaires savent que leur renfort doit rester « transitoire ». « Le temps de résoudre les problèmes de démographie médicale », espère le Dr Hérault.
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