Un nouveau rapport sur la médecine générale

Le grain de sel de l’Académie

Publié le 18/05/2011
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Crédit photo : S TOUBON

APRÈS LES RAPPORTS Legmann (en avril 2010) et Hubert (en novembre dernier), voici celui, plus inattendu, de l’Académie nationale de médecine : l’institution a voté hier un document concis intitulé « La situation de la médecine générale en France. Réflexions et propositions », fruit des travaux menés depuis plusieurs années par une commission permanente composée à parité d’académiciens et de médecins généralistes.

Piloté par le Pr Pierre Ambroise-Thomas, le rapport de la société savante part du constat que, sous le coup de multiples influences (la place de la spécialité ; l’orientation, la sélection et la formation des étudiants ; les conditions d’exercice des médecins généralistes ; la féminisation de la médecine…), « la situation de la médecine générale en France devient de plus en plus préoccupante ». Sans prétendre à « l’exhaustivité » et se gardant de marcher sur les plates-bandes de quiconque – le rapport cite notamment les questions « financières », du ressort de l’’Ordre et des syndicats médicaux –, l’Académie s’attaque, point par point, « aux principaux problèmes qu’affrontent les médecins généralistes ».

• Les études.

Sa première recommandation prend le dossier à la racine puisqu’elle vise à « faciliter les vocations en médecine générale et améliorer la formation pratique, par compagnonnage, des futurs médecins généralistes ». Afin d’atteindre ces objectifs ambitieux, l’Académie suggère d’« harmoniser la situation entre les facultés de médecine » et demande surtout que soient donnés « à toutes ces facultés les moyens de recruter un nombre suffisant de praticiens-maîtres de stages agréés et d’organiser dans les meilleures conditions les stages auprès de praticiens ».

• La carrière.

Le rapport propose d’« offrir aux médecins généralistes des possibilités d’évolution de leur carrière professionnelle ». Comment procéder ? En recourant à « un statut particulier de notoriété, accessible après plusieurs années d’exercice, en particulier pour les anciens maîtres de stage », répond l’Académie. Et en facilitant l’accès de ces praticiens « à une nouvelle compétence (gériatrie notamment), dans des conditions compatibles avec la poursuite de leur activité professionnelle ».

• Les patients.

Les généralistes, constate l’Académie, « ont le sentiment que leur activité est méconnue, voire mésestimée » ; ils sont également en butte aux demandes parfois non médicalement justifiées et trop pressantes de leurs clientèles. Le rapport estime qu’il faut lutter contre ce mouvement en organisant « une large information des patients sur leur devoir de bannir le consumérisme et le mésusage médical et de préserver l’accès aux soins pour d’autres malades, en limitant les sollicitations et les demandes injustifiées auprès de leur médecin généraliste ».

• Les tâches administratives.

La « multiplicité croissante » de la « paperasserie » imposée aux médecins généralistes préoccupe l’Académie qui juge limitées les stratégies jusqu’à présent mises sur pied pour en venir à bout (transferts de tâches, création de « nouveaux métiers de la santé »...). Pour elle, il faut aller au-delà et « limiter à l’essentiel les tâches administratives demandées aux généralistes, par de larges concertations entre ces médecins, les caisses d’assurances maladies, les compagnies d’assurances et, plus généralement, les différents organismes et administrations intéressés ». Cette opération peut être menée dans le cadre de l’« instance de simplification administrative » que vient de créer le ministère de la Santé.

• Le temps médical disponible.

Attention de ne pas se tromper de référentiel, met en garde l’Académie. Pour elle, puisque les jeunes médecins freinent des quatre fers pour s’installer, puisque le corps médical se féminise, que les jeunes médecins « refusent de travailler plus de 50 heures hebdomadaires » et que les tâches administratives grignotent leur temps de travail, c’est à l’aune du « temps médical disponible et non pas sur les seules données quantitatives globales de la démographie médicale » qu’il faut évaluer les besoins en médecins généralistes. Le nombre de postes indispensables dans la spécialité devra être estimé sur cette base uniquement, « avec une anticipation de 8 à 10 ans », puis une déclinaison « pour chaque inter-région (de) la valeur du numerus clausus ». Moins radical dans ses conclusions que dans le corps de la réflexion, le rapport pose noir sur blanc la question « d’une éventuelle suppression » de ce numerus clausus et plaide à tout le moins pour « son augmentation dans des proportions importantes ».

• Un profilage.

Pour l’Académie, on manque d’informations précises quant aux aspirations des jeunes générations – « Dans les années à venir, plus de 60 % des docteurs en médecine seront des femmes, note en particulier le rapport. Cette perspective est souvent évoquée comme une fatalité plus ou moins préoccupante sans que l’on se soucie vraiment des futures conditions d’exercice de nos consœurs, sinon pour évoquer des solutions empiriques basées sur des séries d’a priori. » Il convient donc d’« organiser une large consultation auprès des étudiantes en médecine et des consœurs déjà en exercice pour mieux connaître leurs contraintes et leurs souhaits professionnels ».

• L’installation.

Le rapport est sévère sur le chapitre de l’installation. Oui, il faut lutter contre l’inégale et « préoccupante »répartition de l’offre de soins sur le territoire. Mais si l’Académie juge « heureux » que l’introduction de mesures contraignantes ait été écartée, elle estime aussi que les dispositifs incitatifs mis en œuvre sont « hétérogènes » et ne répondent à aucun « critère prospectif ». Elle suggère donc d’« harmoniser les mesures incitatives proposées aux futurs généralistes pour lutter contre la sous-médicalisation de certaines zones du territoire national » et de « prévoir les conditions d’une évaluation objective de l’efficacité de ces mesures ».

 KARINE PIGANEAU

Source : Le Quotidien du Médecin: 8965