2019, annus horribilis pour l'Ordre national des médecins ? La fin de l'année a en tout cas bousculé l'institution, étrillée par la Cour des comptes pour ses « désordres comptables », son immobilier « somptuaire », ses contrôles « inopérants » et même son laxisme dans le traitement de dossiers de plaintes sexuelles.
Lors de ses traditionnels vœux à la profession, le Dr Patrick Bouet, président du CNOM, s'est employé à défendre l'honneur de l'institution. Devant des conseillers ordinaux, représentants syndicaux et institutionnels, le généraliste de Villemomble (Seine-Saint-Denis) a longuement contesté un contrôle jugé « à charge, durant lequel nous n'avons jamais été réellement écoutés ».
Bouc émissaire ?
« Nous avons été heurtés par le choix de la Cour d’ignorer les nombreuses missions que remplit l’Ordre aujourd’hui et par la volonté de faire de l’Ordre le bouc émissaire d’échecs collectifs, sur des sujets où nous avons pourtant su être moteurs. Sur les relations médecin industrie par exemple, ou sur le DPC. Je rappelle que nous ne faisons qu’appliquer la loi », plaide le leader ordinal.
Ces critiques sont d'autant plus « inacceptables » que la Cour aurait « sciemment » ignoré les actions menées pour « moderniser l'Ordre » : refonte du règlement de trésorerie pour « encadrer strictement les régimes des indemnités et des remboursements de frais » des élus, instauration d'un dispositif contraignant de contrôle de la gestion des conseils ordinaux, élargissement de la commission de contrôle des comptes à des personnalités qualifiées...
Quant au traitement trop laxiste des plaintes et signalements des patients, le Dr Bouet réfute tout net les dysfonctionnements pointés. Au contraire, il salue « le travail » des conseils départementaux et régionaux ordinaux qui s'acquittent de cette tâche avec « abnégation ».
Refus de soins, maisons de garde et carrières
L'Ordre n'entend pas dévier de sa route. Pour combattre les « dérives » de certains médecins, le Dr Bouet annonce la mise en place d'un groupe de travail pour « clarifier et harmoniser » le traitement des signalements et des doléances par les conseils départementaux.
Sur les refus de soins, une enquête auprès des conseils départementaux est en cours de conception pour mieux « quantifier » le phénomène. Certains comportements sont « inacceptables du point de vue déontologique », recadre le Dr Bouet.
Une autre enquête portera sur la pertinence des maisons médicales de garde. « Cela nous a paru important, à l’heure où la crise des urgences et les débats sur les numéros d’appel exigent que tous les acteurs concernés puissent fonder leur réflexion sur des éléments concrets, dans l’intérêt des patients », déclare-t-il.
Et pour cerner les attentes des médecins en matière d’accompagnement dans leur parcours professionnel, l’Ordre s'apprête à lancer une « vaste consultation ». Cette enquête doit permettre de créer « des dispositifs concrets » que tous les médecins, libéraux ou hospitaliers, jeunes ou âgés, pourront « aisément s’approprier ».
Dérapages : l'Ordre veille au grain
Preuve de sa vigilance intacte, le Dr Bouet souligne que l'Ordre est rapidement intervenu pour mettre en demeure de fermeture le site « arretmaladie.fr », avec une saisine en référé de la justice.
L'Ordre prévoit aussi de signaler au Procureur de la République certains contenus « susceptibles de constituer une infraction à l'ordre public » du groupe privé Facebook « le Divan des médecins ». Cette communauté de médecins est accusée de graves dérapages en ligne. L'Ordre met en demeure le régulateur du groupe s'agissant du contrôle des contenus.
Règne des normes
Sur le front politique, l'accès aux soins « pourrait occuper une place importante aux prochaines élections municipales », veut croire le patron du CNOM. Dans ce cadre, l'Ordre entend rester « l'allié de proximité des maires dans leur combat pour améliorer l’accès aux soins ». Mais pour mieux accompagner les initiatives locales, l’Ordre presse le gouvernement d'apporter « des éclaircissements » à la loi de santé (Ma Santé 2022) pour que ses effets deviennent concrets sur le terrain.
Car l’Ordre n’a jamais caché ses inquiétudes au sujet de la réforme Buzyn. Selon lui, en ville, les professionnels de santé libéraux peinent à s’approprier les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). Et de dénoncer « le règne des normes asphyxiant » la profession... « Les hôpitaux de proximité, et leur articulation au sein du système hospitalier, ne sont pas davantage compris », alerte-t-il.
Même confusion à l'hôpital. « La loi 2022 a promis la stabilisation hospitalière. À côté de cela, on a fait un plan “urgences” puis un “plan urgent de financement”. On ne parle plus de la réorganisation hospitalière mais de réorganisation statutaire. On a besoin de comprendre la stratégie », plaide-t-il. Sans clarification, lance-t-il, la loi de santé « ne sera vite qu'une coquille vide ».
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