En vigueur depuis le 31 mai, le nouveau statut de « pharmacien correspondant », qui permet aux officinaux de renouveler des traitements chroniques ou d'adapter des posologies – dans le cadre d'un exercice coordonné, après accord du médecin traitant – génère de puissants anticorps dans la profession médicale.
Des dizaines de praticiens ont exprimé leur agacement ou leur colère à la suite de notre article consacré à cette évolution et dans le cadre de notre débat thématique (« Le pharmacien correspondant, nouvel allié ou concurrent du médecin ? », lire ici). Beaucoup s'alarment d'un transfert de tâches à la hussarde entre deux métiers « qui n'ont rien à voir ». Certains pharmaciens ont également exprimé leur désaccord, estimant que cela ne faisait « pas partie de leur formation ».
« Ordonnance non modifiable » : mention recommandée
Côté syndicats, le Syndicat des médecins libéraux (SML) dénonce une situation « extrêmement grave et emblématique des dérives du gouvernement, qui confond coordination des soins et transfert de compétences ». Pour la centrale du Dr Philippe Vermesch – en « profond désaccord avec cette évolution préoccupante pour la qualité des soins » – ce transfert au pharmacien de la prise en charge des patients chroniques « limite » leur accès au médecin traitant.
Pour y mettre « un terme », le SML appelle l’ensemble des médecins libéraux à entrer en résistance et à inscrire « systématiquement » la mention « ordonnance non modifiable » sur leurs prescriptions. Le SML espère ainsi « remettre l’église au centre du village » dès lors qu'« un pharmacien ne saurait remplacer un médecin ».
Ligne rouge pour MG France
Plus ouvert, MG France souligne que « pour une fois, le rôle du médecin traitant est respecté puisque cela ne peut se faire sans son accord ». Ce dernier est chargé de définir le protocole en amont, en indiquant sur l'ordonnance la possibilité de renouveler ou les posologies à ajuster le cas échéant. « Dans la mesure où il y a ce cadre, nous sommes prêts à travailler avec les pharmaciens, avance le Dr Margot Bayart, vice-présidente de MG France. Cependant, le pharmacien grignote peu à peu certaines tâches, nous restons donc vigilants sur ce dispositif, car le diable se cache dans les détails. Notre ligne rouge, c'est le respect du rôle du médecin traitant, en aucun cas le pharmacien ne doit avoir une autonomie complète sur l'ordonnance ! »
Le Dr Luc Duquesnel, président des Généralistes-CSMF, y voit plutôt un texte « décalé ». « Ce genre de coordination existe déjà ! Or, ça a été présenté de telle façon que cela suscite des réactions violentes et rend plus difficile la coordination sur le terrain, regrette le généraliste mayennais. Les généralistes ont raison de s'alarmer mais je les rassure en leur disant qu'aucun pharmacien ne modifiera leur ordonnance sans leur accord. »
Des décisions circonstancielles, peste l'Ordre
La publication du décret n'est pas non plus du goût de l'Ordre des médecins. L'instance nationale considère que cette évolution « modifie une fois de plus le périmètre métier des professions de santé et la lisibilité attendue par l’usager de santé des compétences propres à chaque métier ». « Le médecin, et notamment le médecin traitant, doit rester le piller de la prise en charge du patient et de la mise en œuvre du parcours de santé en coopération avec l’ensemble des professionnels de santé », rappelle-t-il. L'Ordre invite l'État à « en finir avec la multiplication des décisions circonstancielles et ponctuelles, qui ne peuvent être un mode de gouvernance ».
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