C’est sans conteste un des monuments de notre histoire sanitaire. Pourtant, cette loi Evin n’est pas l’œuvre d’un médecin, mais d’un éducateur spécialisé, nommé à l’époque ministre de la Santé et devenu depuis avocat. On pourrait en déduire que la santé publique est affaire surtout de volonté politique. Encore qu’il faille se souvenir aussi de l’action déterminée en amont de cinq grands professeurs, des « sages » comme on les désignait à l’époque, qui ont montré que l’action dans ce domaine était, non seulement une question d’experts, mais aussi de lobbies et qu’il fallait savoir se faire entendre pour arriver à ses fins. Trente ans plus tard, que retenir de cet arsenal législatif ? D’abord, qu’il a été incessamment attaqué. Ensuite, qu’il a impulsé une politique de lutte contre le tabac, qui a débouché sur d’incontestables avancées. À la fin des années 1980, on pouvait encore fumer à loisir au sein même des bureaux de la Direction générale de la Santé. On mesure le chemin parcouru… Le bilan est plus mitigé concernant le volet alcool du dispositif, dont la réglementation a subi de nombreuses entorses ces dernières années, quelle que soit la couleur politique des gouvernements successifs. Clairement, les acteurs du secteur sont toujours en attente d’un engagement dénué d’ambiguïté des décideurs.
Au-delà des addictions, il est pour le reste étonnant de célébrer l'anniversaire de la loi Evin dans la période aussi incertaine que perturbée que nous vivons. Depuis près d’un an, on redécouvre – parfois avec un temps de retard – l’importance de la santé publique. La polémique autour de la pénurie de masques a mis en évidence la nécessité d’anticiper et de prévoir, mais aussi d’écouter les scientifiques, qui ne l’ont sans doute pas été assez les années passées sur la probabilité de nouvelles pandémies… En même temps, la redécouverte de l’hygiène et des moyens de protection des populations sera sans doute un des acquis majeurs de cette crise, ce qui pourrait changer la donne sur la prévention des épidémies et l’approche populationnelle de la santé. Enfin, c'est le moment de rappeler que le Covid entretient un rapport étroit avec les maladies chroniques et les troubles du métabolisme, qui potentialisent ses effets délétères et sont pour beaucoup dans le bilan calamiteux de pays comme le Mexique ou les États-Unis à forte prévalence de l’obésité. Le bouillant Premier ministre anglais, Boris Johnson lui-même, en a tiré les conséquences en annonçant un plan pour faire maigrir les Britanniques. Comme quoi, même les plus sceptiques peuvent se convertir un jour à la santé publique.
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