« Le chantier a pris un peu de retard car les professionnels de ville et hospitaliers sont mobilisés par la crise sanitaire, de même que les ARS qui doivent porter ce projet complexe », a admis Sylvie Escalon, sous-directrice de la régulation de l'offre des soins au ministère de la Santé, lors d'une rencontre organisée par l'Association des journalistes de l'information sociale (Ajis).
Un euphémisme ? Un an après la sélection des 22 sites pilotes, le déploiement du service d’accès aux soins (SAS) est loin d'atteindre l'objectif espéré. Un tiers des projets choisis n’ont toujours pas démarré l’expérimentation et les 15 départements testeurs qui ont commencé sont souvent confrontés à des situations de « blocage » sur le terrain.
Deux principaux freins ont été identifiés. Le premier concerne la formation des assistants de régulation médicale d'urgence (ARM), des professionnels en première ligne dans ce dispositif. « Onze centres de formation ont été créés pour former les ARM, souligne la Dr Catherine Bertrand, vice-présidente de l'association nationale des centres de soins d'urgence (Ancesu). Et 200 sont formés depuis 2019 alors qu'il en faudrait 400. » D'autres agréments ont toutefois été donnés pour former davantage de professionnels.
Gratification peu lisible
Seconde difficulté et non des moindres : la rémunération des médecins libéraux effecteurs, jugée peu attractive et illisible, ce qui complique le recrutement des praticiens volontaires.
Négociée au niveau national dans le cadre de l'avenant 9 à la convention médicale, la valorisation de cette mission se fait, non pas pour chaque acte mais de façon forfaitaire et différée. D'abord via le forfait structure (1400€ par an pour partager son agenda avec des plages à disposition de la régulation du SAS pour des consultations imprévues) et ensuite avec des versements payés a posteriori, en fonction du nombre d'actes régulés effectués par trimestre (chaque palier procurant un certain nombre de points)... Au final, selon le calcul des syndicats, cette majoration ramenée à l’acte varie entre 4,67 et 14 euros, assez loin des 15 euros par acte réclamés par la profession. « Il faut sortir du forfait structure prévu par l'avenant 9 », suggère la Dr Valérie Briole, présidente (UFML) de l'Union régionale (URPS) médecins libéraux Île-de-France. La rhumatologue qui participe à un SAS en construction appelle le gouvernement à rendre cette rémunération « au moins égale à celle de l'avis ponctuel de consultant (APC, 50 euros, NDLR) » pour sortir de ce blocage.
Coopération urgentistes/libéraux en Moselle
Responsable du SAS 57, pionnier en la matière, le Dr François Braun, chef du service des urgences de Metz/Thionville, reconnaît que « l'effection est difficile à mettre en œuvre » dans son département. En revanche, l'instauration d'une régulation médicale a été « rapide » grâce à la collaboration étroite entre urgentistes et libéraux mosellans depuis 1993.
Depuis cette date, les praticiens travaillent main dans la main, dans les mêmes locaux, qu'il s'agisse des soins non programmés ou des urgences vitales. Et de fait, l'activité de son SAS a connu « 10 à 15 % d'appels supplémentaires sans faire aucune publicité », se félicite l'urgentiste. En revanche, celui qui est aussi le patron de Samu-Urgences de France n'a pas eu « de retour pour l'instant sur la baisse de la fréquentation des urgences hospitalières », pourtant l'un des objectifs recherché. « Le SAS a probablement un effet mais pour l'instant, celui-ci a été gommé par cette forte sollicitation de la population liée à la crise sanitaire », justifie-t-il.
Évaluation demandée
Malgré ces aléas, le gouvernement reste confiant sur le déploiement du SAS, cette superplateforme qui associe la ville et l'hôpital. Pour autant, l'engagement de généraliser le dispositif en 2022 reste incertain. Et ce d'autant plus que la récente loi Matras sur la chaîne des secours a prévu de tester plusieurs modèles de numéros d'appels d'urgence. Cette expérimentation « n’empêcherait pas la généralisation du SAS », assure Sylvie Escalon. La question de la généralisation devrait être tranchée en début d’année prochaine – le ministère de la Santé attendant une évaluation avec les équipes SAS et les retours des patients, en lien avec France Assos santé.
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