APRÈS TROIS ANS de paralysie conventionnelle, la profession va retrouver enfin du grain à moudre. Le coup d’envoi des négociations entre l’assurance-maladie et les syndicats médicaux représentatifs (CSMF, MG-France, SML, FMF et Le BLOC) sera donné le 7 avril. Cette première séance devrait fixer la méthodologie et le calendrier. Après deux années chaotiques, les syndicats veulent croire que s’ouvre une période plus constructive. Même si MG-France affiche déjà de sérieux doutes en organisant une journée d’action le... 7 avril (lire ci-dessous).
Sans attendre l’ouverture des négociations, Xavier Bertrand a arrêté un plan d’action sur la démographie, à l’issue d’une longue séance de travail au ministère qui a réuni les syndicats médicaux (jeunes et installés), mais aussi l’Ordre, l’UNCAM, la Direction générale de l’offre de soins (DGOS), des représentants des doyens et des ARS. Après avoir réaffirmé son refus de la coercition, et ce en dépit des « fortes pressions » des élus locaux et de certains parlementaires, le ministre de la Santé a fixé une demi-douzaine de priorités.
Les contrats d’engagement de service public (CESP), qui permettent à un étudiant ou à un interne de bénéficier d’une bourse de 1 200 euros bruts pendant ses études en échange d’un exercice dans une zone sous-dotée pendant la même durée que celle du bénéfice de l’allocation, vont être clarifiés et simplifiés. « Le système ne marche pas très fort [un peu plus de 200 contrats ont été signés sur les 400 ouverts] car les internes n’ont aucune visibilité sur le lieu exact où ils vont atterrir », explique un leader syndical. Au titre de l’information avant l’installation, l’ensemble des mesures incitatives existantes (aides, primes, exonérations…) seront centralisées et accessibles à l’automne au sein du guichet unique prévu par la loi HPST. « Moins de 5 % des futurs médecins sont au courant de ce qui existe », affirme le Dr Michel Chassang, président de la CSMF. Il a également été convenu de recourir aux réseaux sociaux (Facebook, Twitter) pour diffuser largement cette information.
Cumul emploi/retraite aménagé et surcote.
Comme l’ont suggéré les rapports « Legmann » et « Hubert » sur la médecine de ville, le ministère s’est engagé à développer les stages en ambulatoire et au cabinet, seule façon de sensibiliser au secteur libéral des carabins qui n’ont connu que le bain hospitalier au cours de leurs études. Des aides financières au logement et au transport sont à l’étude, en lien avec les maires et les conseils généraux, afin de multiplier les stages dans les hôpitaux périphériques. Du côté des internes de spécialités (ISNIH), on a plaidé pour la création de 400 postes d’assitants spécialistes à la rentrée (permettant de fidéliser les futurs spécialistes dans les régions qui en ont besoin).
S’agissant du maintien de l’activité des médecins seniors, le gouvernement a demandé à l’assurance-maladie d’inciter fortement à la poursuite d’activité des praticiens retraités, notamment dans les zones déficitaires. Deux pistes sont sur la table : un cumul emploi/retraite plus incitatif et un dispositif de surcote permettant au médecin de bénéficier d’une retraite majorée. Le SML s’est fait l’avocat de « propositions applicables immédiatement ». « Les médecins doivent bénéficier d’un cumul emploi/retraite aménagé dans le cadre d’un service civique avec une contractualisation d’engagement avec "zéro charge, zéro contrainte" », réclame le Dr Christian Jeambrun, chef de file du syndicat.
L’avenant 20 à la convention de 2005, qui a permis de tester pendant quatre ans un système de bonus de 20 % sur les honoraires dans les zones sous-denses pour des généralistes en cabinet de groupe, fait l’objet d’un bilan mitigé (lire ci-dessous). Selon la caisse, ce système a permis « un apport net de l’ordre de 50 médecins » dans les zones défavorisées. Un dispositif de remplacement plus efficace sera instauré dans la convention. Au passage, le gouvernement a demandé à l’UNCAM et à la DGOS de revoir le « zonage » avant l’automne, c’est-à-dire la cartographie des secteurs sous-médicalisés, aujourd’hui contestée. « Le découpage actuel est nul », affirme un leader syndical ayant participé à la réunion.
« Conversations de salon ».
Afin de ne pas décourager les initiatives du terrain, le ministère de la Santé a admis que les projets locaux (en matière de reprise d’activité, télémédecine, regroupements…) devaient remonter plus facilement aux agences régionales de santé (ARS) afin de prendre, le cas échéant, des décisions rapides de mise en œuvre. Enfin, Xavier Bertrand a souligné que la rémunération, au cœur de la négociation conventionnelle qui va s’ouvrir (forfaits, contrats sur objectifs, réforme des consultations...), serait une des clés de l’attractivité de la médecine libérale dans les prochaines années. MG-France a mis en avant sa proposition de « forfait médecin traitant modulable selon les régions ».
À ce stade, la profession reste prudente sur la suite des opérations. « On a un ministre à l’écoute qui veut des mesures immédiatement applicables », positive le Dr Jeambrun (SML). Michel Chassang (CSMF) a constaté que « Xavier Bertrand promet de tenir bon » face aux avocats de mesures autoritaires. Mais pour le Dr Jean-Paul Hamon (branche généraliste de la FMF), la question de la démographie ne peut pas être dissociée de celles des moyens. « Sans plan Marshall, résume-t-il, on en restera à la conversation de salon ». MG-France est le plus critique. Son président, Claude Leicher, le dit tout net : « Les pouvoirs publics n’ont toujours pas pris la mesure de la catastrophe qui est en train de se passer chez les généralistes. »
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