Alors que s’ouvre aujourd’hui leur 53e congrès national, les 1 220 centres de santé avancent leurs pions, soucieux d’obtenir une place de choix dans la stratégie nationale de santé. Leur pratique d’une médecine sociale, l’exercice en équipe ou encore le tiers payant font d’eux des bons élèves aux yeux de Marisol Touraine, mais leur fragilité économique les rend très vulnérables. Et demain ?
CE MATIN, la présence de la ministre de la Santé à l’ouverture du 53e congrès national des centres de santé devrait confirmer ce que laissaient augurer les 138 pages du rapport de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur la place de ces structures : les centres de santé ont le vent en poupe du côté des pouvoirs publics !
Pas moins de 600 professionnels et acteurs du monde de la santé sont attendus à Paris pour cet événement organisé par l’Union syndicale des médecins de centres de santé (USMCS) : une autre preuve de la curiosité croissante qu’éveillent ces établissements historiques, souvent comparés aux dispensaires, un peu à part dans le paysage sanitaire. « Clairement, les centres de santé vivent un moment clé, confirme le Dr Éric May, président de l’USMCS. La venue de Marisol Touraine à notre congrès est la marque de reconnaissance qu’on attendait depuis de nombreuses années ».
Une arme contre les déserts.
Pour les centres, ce congrès sera l’occasion d’exposer à la ministre leur cohérence avec les objectifs de la stratégie nationale de santé dévoilée le 23 septembre. Les 1 220 structures réparties sur le territoire privilégient l’exercice regroupé, pluridisciplinaire pour un tiers d’entre elles. Généralement salariés aux 35 heures hebdomadaires, médecins, dentistes et paramédicaux y travaillent en coordination, avec l’objectif d’une pratique médicale globale. Au même titre que les maisons de santé pluridisciplinaires (MSP) libérales, les centres participent au maintien d’une médecine de proximité dans les territoires isolés et dans les zones rurales ou périurbaines.
Ce n’est pas un hasard si Marisol Touraine a salué leur rôle dans son plan de lutte contre la désertification médicale : « conforter les centres de santé » est même un engagement du pacte territoire santé car, dans certaines zones, ils constituent une alternative précieuse à l’offre libérale mais aussi aux services d’urgences hospitalières. Surtout, par la pratique des tarifs opposables et du tiers payant intégral, les patients ne connaissent ni dépassements ni avance de frais. Les centres de santé font dès lors figure de bons élèves aux yeux de la ministre, qui a fait de l’accès aux soins le socle de la stratégie de santé.
Enfin, les centres de santé épousent les attentes de nombre de jeunes médecins inquiets d’une installation en libéral, attirés par la médecine coordonnée, en équipe et salariée, et déchargés de tâches administratives. « Nous avons déjà accueilli sept internes en stage ambulatoire en médecine générale [SASPAS, à titre expérimental, NDLR], témoigne le Dr Louise Rossignol, chef de clinique en médecine générale au centre de santé de Nanterre (Hauts-de-Seine). Quatre d’entre eux travaillent désormais en centre ! ». Au sud du même département, dans le centre municipal de Malakoff (reportage ci-dessous), le bureau du Dr May « est recouvert d’une dizaine de CV d’internes de médecine générale », se félicite ce dernier.
Appliquer le rapport de l’IGAS.
Malgré cette forte identité sociale, les centres de santé constituent un univers morcelé (palette d’activités et de soins, gestionnaires différents, taille, pratiques de niche dégageant plus de marge comme la prothèse dentaire...), nuisant à leur visibilité et à leur pilotage stratégique.
Financièrement, la plupart ne parviennent pas à l’équilibre avec les seules ressources de l’assurance-maladie. En moyenne, le coût structurel du tiers payant revient à 3,5 euros par acte. Année après année, les centres dépendent donc du bon vouloir de leur gestionnaire.
Conscients de la fragilité de leur modèle économique, les professionnels des centres de santé espèrent une traduction concrète des recommandations de l’IGAS dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2014, présenté en conseil des ministres le 9 octobre.
Priorité à trois mesures : le financement de l’exercice regroupé par une rémunération spécifique, au-delà des expérimentations des nouveaux modes de rémunération (NMR) ; la création d’un forfait de gestion pour assumer le tiers payant intégral ; la transposition de certains éléments conventionnels de rémunération des libéraux directement attachés aux soins (prévention et dépistage, prise en charge des tests de l’angine virale, majoration forfaitaire pour les personnes âgées).
La Fédération nationale des centres de santé (FNCS) elle aussi « attend du concret » sur le financement des permanences d’accès aux soins de santé (PASS ambulatoire), la garantie des paiements du tiers payant et la possibilité accrue pour les centres de former des jeunes médecins.
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