RIEN n’y fait. Objet d’une table ronde à Nice lors du congrès de la médecine générale France (CMGF), qui a réuni quelque 2 000 médecins, le paiement à la performance s’attire toujours les foudres d’une bonne partie des généralistes libéraux, plus de six mois après son entrée en vigueur. Cette rémunération sur objectifs compte 29 indicateurs et repose sur un barème de 1 300 points. Inspiré du P4P britannique, le système vise à améliorer la qualité des soins grâce à des objectifs de suivi des pathologies chroniques, de prévention et de santé publique, d’efficience mais aussi d’organisation du cabinet (équipement informatique, utilisation des téléservices..). En tout, le P4P peut procurer une prime annuelle maximale de 9 100 euros mais la moyenne devrait être un bonus de 4 500 euros.
Au Palais des Congrès Nice Acropolis, médecins et experts invités à la tribune font de leur mieux pour convaincre la centaine de généralistes dans la salle. Le Dr Paul Wallace, « family doctor » londonien, invité au titre de preuve vivante du bon fonctionnement du P4P (introduit en 2004 en Grande-Bretagne), n’y va pas par quatre chemins. « Points are prizes ! More points, more money ! » martèle-t-il, provoquant davantage l’hilarité que l’adhésion. Dominique Polton, directrice de la stratégie, des études et des statitistiques à la CNAM, fait le dos rond : « Vous pensez que l’assurance-maladie n’a aucune légitimité pour élaborer les objectifs médicaux du P4P, et vous avez raison ! Sauf qu’elle ne les fait pas ! Les indicateurs proviennent des recommandations de la Haute autorité de santé et de la loi de santé publique ! ».
« Bac+10 en médecine, pas en épicerie ».
Apaisantes, les paroles émanant de la tribune n’ont guère d’effet positif sur l’auditoire, au contraire. « C’est bien beau de nous montrer que le système fonctionne outre-Manche, mais là-bas, ils mettent la main au porte-monnaie, s’énerve ce généraliste de région parisienne. À moi, on propose de modifier radicalement ma façon d’exercer pour 10 % de mon chiffre d’affaires. Je suis Bac+10 en médecine, pas en épicerie ! ». Le même condamne ces indicateurs de performance « homogènes » qui ne tiendraient pas compte des profils de patientèle. « Notre performance dépend de nos patients, peste-t-il, évoquant le dépistage du cancer du col de l’utérus. Plus le niveau socioculturel est bas, moins les femmes sont enclines à effectuer un frottis régulier ». Des paroles saluées par une salve d’applaudissements.
Dans la salle, des médecins s’opposent au P4P non sur le contenu mais sur le principe. « Quand j’en parle avec des confrères, on tombe toujours d’accord, explique ce généraliste. Ce type de dispositif nuit à notre liberté d’exercer ». Pour cette femme médecin généraliste, « pas convaincue du tout », « c’est aussi notre liberté de choix qui est attaquée. Quoi qu’on dise, on nous impose un dispositif dommageable pour la médecine, et donc pour les patients ». Certains contestataires refusent tout net de rentrer dans le rang. « On n’est pas obligé de composer avec le paiement à la performance, explique le Dr Alain Beaupain, médecin à Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne). Moi, je ne regarde même pas les indicateurs, je les ignore ».
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