EN VOTANT la réforme des retraites mercredi, les députés ont dans le même temps adopté la réforme de la santé au travail souhaitée par le gouvernement. Le débat dans l’hémicycle a donné lieu à une passe d’armes entre Éric Woerth et les députés socialistes. « Quelle régression. Vous touchez là à quelque chose d’essentiel », a ainsi lancé Alain Vidalies, député PS. « C’est honteux ce que vous dites. Personne ne peut vous croire. C’est une avancée considérable pour la médecine du travail », a rétorqué le ministre du Travail.
Les réactions d’après vote sont contrastées. Enthousiastes s’agissant de Guy Lefrand, le député UMP auteur de plusieurs amendements sur le sujet, qui se félicite des « avancées » à la clé, citant notamment la possibilité pour un interne en médecine du travail de pouvoir remplacer un médecin du travail. Effarées côté PS, pour qui « le gouvernement et la majorité ont préféré sacrifier la santé et le bien-être au travail de nombreux salariés » en faisant leur « un projet du MEDEF ».
Farouchement opposé aux orientations retenues, le Syndicat national des professionnels de la santé au travail (SNPST) refuse de baisser les bras. S’il a perdu la première bataille, ses yeux se tournent à présent vers la chambre haute. « Nous allons rencontrer les sénateurs pour leur dire que la réforme de la médecine du travail mérite un vrai débat, indique le Dr Mireille Chevalier, médecin du travail et porte-parole du SNPST. Nous demandons le retrait de tous les amendements ayant trait à la médecine du travail. »
Les arguments du ministre du Travail n’ont pas convaincu. « Éric Woerth a dit [dans l’hémicycle, NDLR] que les médecins gardent une indépendance technique, mais ce n’est pas la réalité, rectifie le Dr Chevalier. Cette réforme donne la main aux employeurs, en leur confiant le soin de définir les missions des services de santé. Les médecins du travail n’auront plus que le code de déontologie et le conseil de l’Ordre pour les défendre. Les infirmières aussi ont un conseil de l’Ordre, mais pas les autres intervenants en prévention des risques professionnels. » En clair, l’indépendance de ces intervenants est en danger, estime le SNPST.
Les médecins du travail s’élèvent contre leur nouvelle mission. Ils n’auront plus à « éviter l’altération de la santé des travailleurs » mais, si le Sénat adopte la même version que l’Assemblée, à « éviter, ou diminuer, les risques professionnels ». Tout en évaluant l’invalidité des travailleurs. « Les médecins du travail ne souhaitent pas être les arbitres des parcours individuels des salariés, prévient le Dr Gilles Arnaud (SNPST). Sans compter que la pénibilité du travail de nuit n’est pas du tout prise en compte ».
Si le Sénat se montre sourd aux arguments du SNPST, restera un dernier recours : « L’État fait un transfert de responsabilité en confiant l’organisation de la santé du travail aux employeurs. Ce faisant, il est anticonstitutionnel », considère le Dr Jean-Louis Zylberberg, du SNPST.
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