Les centres de santé se préparent à vivre une petite révolution statutaire.
Depuis plusieurs mois, les organisations gestionnaires, professionnels et tutelles réfléchissent à la création d'un nouveau modèle hybride pour les centres de santé qui offrirait aux médecins salariés un siège administratif dans les structures polyvalentes, ce dont ils sont privés aujourd'hui. L'idée serait également de créer une co-gouvernance participative ouverte à tous, patients inclus.
Selon nos informations, la piste creusée consiste à adapter le périmètre des sociétés coopératives d'intérêt collectif (SCIC) aux centres de santé en y ajoutant un principe d'actionnariat non lucratif. Par exemple, un centre de santé pourrait être géré à 49 % par une collectivité territoriale et à 51 % par les médecins salariés du centre, plusieurs associations, l'hôpital local, etc. Personne ne recevrait de dividendes, 100 % des excédents éventuels étant mis en réserve.
Au ministère de la Santé, les discussions vont bon train. L'idée séduit. Les grandes lignes de la réforme du Code de la santé publique, nécessaire pour appliquer ce statut coopératif aux centres de santé, sont tracées. Le texte pourrait être prêt fin mai.
Caution médicale
La réflexion n'est pas anodine. Dans un contexte de raréfaction des financements publics, la majorité des 1 200 centres ne parviennent pas à se maintenir à l'équilibre. Les gestionnaires uniques (associations, mutuelles, caisses de Sécurité sociale, établissements, collectivités territoriales ou organismes à but non lucratif) n'ont plus les reins assez solides pour garantir la pérennité de ces structures et assurer notamment la gestion du tiers payant intégral, systématique.
« Ce nouveau modèle permettrait de partager la responsabilité financière des centres de santé, analyse le Dr Éric May, président de l'Union syndicale des médecins des centres de santé (USMCS). Ça ne règle pas la gestion du tiers payant mais ça pourrait permettre de stabiliser certaines structures associatives voire municipales aujourd'hui dans le rouge. »
« Une quinzaine de projets de centres sont bloqués faute de porteur identifié, enchérit le Dr Richard Lopez, qui représente les gestionnaires (FNCS). Plus personne ne veut prendre de risque seul. » Apporter une caution médicale forte dans la gouvernance séduit également.
Bouée
Plusieurs structures s'enthousiasment à l'idée de tester le modèle. À Paris, l'immense centre associatif Richerand (3 500 m2 et 38 000 consultations) a failli mettre la clé sous la porte l'an passé. Les kinés sont partis, les laboratoires ont été mutualisés et la « balnéo » – le centre a sa propre piscine – fermée. Le Dr Alain Beaupin, directeur, cherche de nouveaux partenaires. Pour lui, « mieux vaut un centre expérimental qu'un centre fermé ».
Dans un quartier populaire de Poitiers, le Dr Jérémie Fougerat, 42 ans, exerce dans un centre ouvert en novembre grâce à la forte mobilisation des habitants. « Nous sommes déjà dans le rouge », se désole le médecin. La bouée de sauvetage d'une SCIC pourrait sauver sa structure du naufrage financier.
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