DANS L’OCDE, près d’un médecin sur cinq n’a pas été formé dans le pays où il exerce. Cette forte mobilité internationale, qui concerne tous les travailleurs très qualifiés, a des répercussions importantes sur les systèmes de santé.
L’économiste Yasser Moullan a voulu y regarder de plus près. Chercheur au Centre d’économie de la Sorbonne et à l’Institut de recherche et de documentation en économie de la santé (IRDES), il a présenté deux de ses travaux lors d’un séminaire à l’IRDES, fin novembre. Une occasion d’en savoir plus sur les causes et conséquences des mouvements migratoires médicaux.
Les États-Unis et le Royaume-Uni attractifs.
Yasser Moullan a étudié le cas de 18 pays (dont la France), faisant pour la plupart partie de l’OCDE.
Pour chacun d’entre eux, il a recensé auprès d’associations médicales et d’instituts statistiques le nombre de médecins qui avaient été formés à l’étranger. Ses données vont de 1991 à 2004. Il est frappant de constater qu’en 2004, près de 60 % des praticiens étrangers installés dans les 18 pays étudiés se trouvaient aux États-Unis, et près 20 % au Royaume-Uni. Seuls 1,3 % exerçaient en France.
Le chercheur s’est également intéressé à l’origine de ces praticiens. L’Inde est en tête du classement des pays « exportateurs » : 71 290 médecins indiens exerçaient en 2004 dans l’un des 18 pays de destination étudiés par Yasser Moullan. Elle est suivie par les Philippines (20 000 médecins). Il est étonnant de constater que les deux pays suivants sont des pays industrialisés, membres du Commonwealth : le Canada (18 635 médecins) et la Grande-Bretagne (17 759). Avec 4 311 médecins à l’étranger, la France ne se retrouve qu’au 25e rang des pays exportateurs, devancée entre autres par l’Espagne, l’Italie, l’Irlande et l’Allemagne.
Des pays « spécialistes » de l’exportation de médecins.
L’étude des taux d’émigration des médecins réserve également des surprises. Certains pays se sont faits une spécialité de l’exportation de médecins : 99 % des praticiens formés sur les îles de la Dominique et de Grenade, par exemple, exercent à l’étranger. Il en va de même pour 54 % des médecins formés en Irlande !
Parmi les 30 pays ayant les plus hauts taux d’émigration des médecins, on trouve 8 pays africains. Dans ce continent où la pénurie médicale est très forte, cette situation peut poser un problème majeur de santé publique, non seulement pour la quantité de l’offre de soins, mais aussi pour sa qualité. Comme l’explique le chercheur, « ceux qui émigrent sont en général les meilleurs de leur spécialité ou de leur pays ».
Le moyen de retenir les professionnels de santé ? Les experts soulignent la similitude de cette problématique avec celle des déserts médicaux français : les mesures coercitives sont peu efficaces, les mesures incitatives sont souvent décevantes. La solution réside dans l’amélioration des conditions de travail des médecins : honoraires, salaires, environnement sanitaire et technique, liens avec les collègues, et perspectives d’évolution de carrière.
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