« FAUT-IL réinventer la médecine libérale » ? Un brin provocatrice, la question, qui recoupe les enjeux de la mission Legmann (voir ci-dessous), a été débattue lors d’un colloque à Paris Dauphine en présence des principaux acteurs du secteur – médecins, ordres professionnels, assurance-maladie, Haute Autorité de santé…
Sur le diagnostic, plus personne ne sous-estime la crise des vocations qui frappe l’exercice libéral (sur dix inscriptions à l’Ordre, une seule en secteur libéral). Comment y remédier ? Quelles sont les mutations à prendre en considération ?
Première évidence : l’exercice médical en cabinet isolé a vécu, à écouter tous les intervenants. Même les syndicats ultralibéraux qui défendaient hier ce modèle prédominant se rallient peu ou prou à l’idée du regroupement, de la prise en charge coordonnée pluridisciplinaire, de la mutualisation des moyens, des maisons ou pôles de santé, sous réserve de financements pérennes, d’un réel partage d’information et surtout de projets médicaux pilotés par les professionnels eux-mêmes. À la CSMF y compris, le Dr Christian Espagno, vice-président, fait aujourd’hui de la médecine regroupée un des axes de développement du métier même si le syndicat privilégie toujours l’organisation « en réseau plutôt qu’en filière ». Dans la même veine, l’encouragement à la mobilité des médecins (exercice multisite, cabinet secondaire…) et la reconnaissance statutaire de nouveaux modes d’exercice à part entière (remplacement, médecin retraité actif) sont des exigences récurrentes, portées par exemple par le SML.
Autre revendication très forte : la simplification de l’exercice à tous les étages. Même si des progrès ont été faits, plusieurs intervenants racontent les tracasseries, le « harcèlement », la pression, la masse et l’éclatement des informations reçues par un même généraliste… « On exerce dans un système de plus en plus compliqué, explique le Dr Leicher, président de MG-France. Tout le monde s’occupe de me dire comment je dois travailler ! À un moment, le généraliste ne peut plus suivre, ce morcellement est le problème numéro 1 ».
De leur côté, les jeunes voudraient que leur formation initiale (presque exclusivement hospitalière) les prépare davantage à l’exercice libéral et que le fameux « guichet unique » régional (censé faciliter l’installation sur un territoire) soit rapidement instauré.
La question-clé du « Qui fait quoi » ?
La question de la réaprtition des rôles et des missions de chaque profession de santé libérale (dans la chaîne des soins primaires mais aussi par rapport à l’hôpital) est jugée cruciale pour redorer le blason des métiers de santé libéraux et notamment de la médecine générale. Qui fait quoi ? Beaucoup d’intervenants stigmatisent la confusion d’un parcours de soins uniquement « tarifaire », le manque de suivi du patient à la sortie de l’hôpital ou encore le grave déficit français en matière de partage de l’information (toujours pas de dossier médical, télémedecine peu développée...).
Beaucoup reste à faire en termes de lisibilité. Pour MG-France, le gouvernement doit assumer « dans les actes, pas dans les discours » l’organisation du système de santé autour du médecin traitant « ni remplaçable, ni substituable », avec les moyens à la hauteur de cette mission. De toute façon, pour Yvon Berland, président de l’Observatoire national de la démographie des professions de santé (ONDPS), le défi des effectifs médicaux va commander des changements : délégations de tâches, protocoles de coopération, émergence de nouveaux métiers, revalorisation des carrières paramédicales…
Contrairement à l’idée reçue, la question de la diversification de la rémunération n’est plus taboue dans la profession. Les mentalités ont « considérablement évolué en quelques années », observe l’économiste de la santé Claude Le Pen, notamment sous la pression des jeunes médecins. Augmentation de la part des forfaits et de la rémunération à la performance à côté du paiement à l’acte inadapté pour la prise en charge de 15 millions de patients chroniques : le principe de la diversification des modes de paiement est largement partagé, restent à discuter les modalités, ce qui n’est pas rien. Et à honorer les actes médicaux et paramédicaux au juste prix.
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