Vivre des violences sexuelles est un choc immense qui, en l'absence de soins, peut se traduire, à plus ou moins long terme, par la survenue de maladies.
« Le corps parle, souvent par là où il a souffert », souligne le Dr Violaine Guérin, endocrinologue et gynécologue, présidente de l'association Stop aux violences sexuelles (SVS). Ainsi, les signes cliniques fréquents chez les femmes victimes de viols ou d'attouchements sont les dermatoses et les affections gynécologiques (douleurs pelviennes, endométriose, pathologies vulvovaginales, infectons urinaires à répétition...). Mais d'autres pathologies, comme des maladies auto-immunes peuvent être des conséquences de ces violences. Le corps se met à fabriquer des anticorps contre lui-même.
Processus d'auto-destruction
« Sur le plan symbolique, il s'agit d'un processus d'auto-destruction qui est fréquemment observé dans les suites de ces violences. On est actuellement en train de réaliser, par exemple, qu'un très grand nombre de tentatives de suicide surviennent chez des personnes ayant de tels antécédents », affirme le Dr Guérin. La survenue d'un cancer de l'ovaire ou du sein peut également être en lien avec un passé de violences. Devant ces pathologies, le médecin ne doit plus s'exonérer de poser la question d'une éventuelle violence sexuelle passée. « En effet, le fait de traiter ce traumatisme aura un effet soutenant sur le parcours de soin, le pronostic et le risque de récidive. Un grand nombre de patients sont touchés par des mécanismes d'amnésie post-traumatique d'origine neuro-endocrinienne, ce qui les rend incapables de relater ces événements dont le corps a toujours la mémoire. Le corps médical doit être formé à toutes ces problématiques de violences sexuelles », indique le Dr Guérin.
Un travail multidisciplinaire
La formation des médecins français sur les violences sexuelles reste lacunaire. Les étudiants en médecine ne bénéficient, en moyenne, que de deux heures de cours sur le sujet. « Il est urgent de former, en particulier, les médecins généralistes. En France, il existe peu de publications sur les conséquences somatiques de ces violences. Ces travaux émanent essentiellement d'Amérique du Nord et des pays nordiques. De nombreux médecins français ont encore beaucoup de mal à accepter de faire le lien entre psychologie et pathologie », précise le Dr Guérin. L'association SVS sensibilise le corps médical sur le sujet : elle a récemment publié une étude épidémiologique* sur ces répercussions médicales chroniques ainsi qu'une revue de la littérature mondiale sur le sujet**. Les médecins doivent, également, apprendre à travailler en équipe multidisciplinaire avec des thérapeutes psycho-corporels, des kinésithérapeutes, des ostéopathes, des acupuncteurs, qui peuvent être d'un grand soutien lorsqu'ils sont formés sur le sujet des violences sexuelles. « Les sages-femmes ont également un rôle clé à jouer car la grossesse est souvent une période qui fait émerger des traumatismes profonds et anciens », ajoute le Dr Guérin. Le généraliste seul, dans son cabinet, n'a pas toujours le temps, ni les moyens pour dépister et accompagner les patientes. « Notre association travaille à la création d'une ALD 31 avec revalorisation des honoraires, pour permettre par exemple, à un médecin généraliste de pouvoir consacrer, si besoin, une heure à une consultation nécessitant écoute et accompagnement sur-mesure », conclut le Dr Guérin.
* Étude SVS14-01, http://www.stopauxviolencessexuelles.com/wp-content/uploads/2016/01/09_…
** Cette étude publiée dans la Revue du dommage corporel est téléchargeable sur le site www.stopauxviolencessexuelles.com.
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