L’HEURE DE LA MOBILISATION a sonné pour le Centre national des professionnels de santé (CNPS, qui fédère 28 syndicats de praticiens libéraux). Sa campagne de communication contre le projet de loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST) a commencé hier dans les quotidiens régionaux, « le Parisien », la presse syndicale et professionnelle, sur le thème « Attention danger. Le gouvernement sacrifie la santé » (« le Quotidien » du 13 février). Le visuel en noir et blanc choisi par le CNPS (une mère anxieuse au téléphone, assise au chevet de son enfant souffrant) est décliné aussi sur des affiches à apposer dans les salles d’attente des cabinets libéraux ; elles invitent le public à refuser « les files d’attente », « les soins au rabais » et la « fin de (leur) liberté de choix ». L’offensive médiatique du CNPS ne fait « pas dans la nuance, c’est clair ! », a concédé son président Michel Chassang lors d’une conférence de presse. Mais « un message mou de passe pas », a-t-il plaidé.
Or le CNPS estime que le gouvernement n’a retenu « aucune (de ses) propositions » de 2008 dans le projet de loi HPST, si bien qu’il entend maintenant interpeller l’opinion, « sensibiliser les élus » et mobiliser dans la foulée ses comités départementaux de professionnels de santé (CDPS), dans le but de voir le projet de loi Bachelot amendé dans le sens de ses propres revendications. Avant la fin de l’examen du texte par les députés et son passage au Sénat, le président du CNPS pense qu’ « il est encore temps de modifier le cours des choses ».
En l’état, le texte HPST « étatise le système de santé », accuse Michel Chassang. Quand bien même la ministre de la Santé se défend de rendre opposables les nouveaux schémas régionaux pour les soins de ville, le leader du syndicat CSMF considère qu’à moins de le renommer autrement, « un SROS ambulatoire a vocation à devenir opposable », sur le modèle des SROS hospitaliers. Il en déduit donc que cette disposition, en devenant légale, « met fin du jour au lendemain à la liberté d’installation » des professionnels de santé libéraux. Dans « un système à la Britannique », où l’offre de soins de premier recours est resserrée autour de certains professionnels de santé, le Dr Chassang pronostique « la fin du libre choix des patients » et, partant, il anticipe l’apparition de « files d’attente » et de « retards dans l’accès aux soins et l’émergence de pathologies plus coûteuses ».
Vives criitiques du CISS
Au-delà de ce sombre tableau visant à inquiéter le grand public, le président du CNPS ne cache pas que la campagne a un autre enjeu. Qualifiées de « monstres de technostructure », les futures Agences régionales de santé (ARS) peuvent aboutir à « la destruction des syndicats que nous sommes », reconnaît le Dr Chassang, dès lors que les ARS pourront signer directement - « hors syndicats nationaux » - avec toutes les Unions régionales de professionnels de santé (URPS) jusqu’à « 26 conventions régionales pour chacune des professions », voire proposer des contrats individuels aux praticiens. Cela conduirait à « un affaiblissement considérable du système conventionnel national », déjà mal en point depuis 2007, a expliqué le chef de file des médecins CSMF.
À la direction de la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM), on ne tient pas à réagir aux arguments utilisés par le CNPS dans sa campagne de communication, ni s’exprimer sur l’avenir du système conventionnel à travers le texte en discussion. De même, le cabinet de Roselyne Bachelot ne compte faire « aucun commentaire sur la campagne de publicité » lancée par le président du CNPS.
Du côté des associations de patients, le président du Collectif interassociatif sur la santé (CISS) reste dubitatif. « Les hospitaliers critiquent la privatisation, tandis que les libéraux critiquent l’étatisation : c’est soit l’un, soit l’autre ! », ironise Christian Saout. Le CISS constate un clivage entre les positions des organisations de jeunes médecins et cette « campagne de préretraités ». Christian Saout la juge « indigne » en ce qu’elle « engloutit l’équivalent du budget annuel de plusieurs associations de patients qui n’ont pas les moyens de mener leurs actions ». Lors de son point presse, le Dr Chassang a pris à partie le CISS, à qui il reproche de « jouer un jeu dangereux en opposant les patients aux professionnels de santé » à propos des refus de soins. Partisan d’un renversement de la charge de la preuve en faveur du patient, le CISS se défend d’encourager les procédures contentieuses par ce simple « signal politique ». « Il y aura de moins en moins de médecins, donc les gens hésiteront à faire un procès à ceux qui restent », nuance Christian Saout.
Il reste qu’à la Confédération nationale des syndicats dentaires (CNSD), Roland L’Herron trouve que « l’inversion de la charge de la preuve pour les refus de soins, c’est quand même un peu énorme ». À la Fédération nationale des infirmières (FNI), sa présidente Nadine Hesnart promet que les représentants locaux des infirmiers ne se feront pas prier pour monter au créneau contre le projet de loi HPST car « ils aiment aller voir les députés ». Tout comme les kinés, les orthophonistes sont dans les starting-blocks. « La base pousse à une mobilisation forte, du fait d’une accumulation des sujets de mécontentements vis-à-vis du gouvernement et des caisses », affirme Patrick Pérignon de la FNO. Comme à l’époque du plan Juppé, Michel Chassang annonce que les syndicats membres du CNPS « iront jusqu’au bout »
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