Michèle Lenoir-Salfati, directrice préfiguratrice de l'ANDPC

« L’État ne confisquera pas le DPC aux professionnels  »

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Publié le 11/04/2016
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Crédit photo : DR

LE QUOTIDIEN : Que va changer la création d'une nouvelle Agence nationale du DPC ?

MICHÈLE LENOIR-SALFATI : L’ANDPC associera étroitement les professionnels de santé, notamment les médecins. Elle leur donnera davantage la main pour définir les orientations de DPC ou pour suivre son financement. L’ANDPC sera aussi le lieu où tous les professionnels (libéraux, hospitaliers, universitaires, ordinaux) pourront débattre de ce que doit être le DPC.

La question se pose encore ?

La loi prévoit que pour garantir la qualité des soins, les professionnels de santé doivent remplir une obligation triennale, faire de la formation, de l’évaluation des pratiques, de la gestion des risques.

Mais tout le monde ne met pas la même chose derrière le DPC : l’université en a une vision proche de la formation tout au long de la vie ; pour la Haute autorité de santé, il s'agirait davantage d'une démarche de qualité individuelle ; tandis que l’Ordre va mener une réflexion sur la recertification qui va nécessairement l'envisager comme un outil en appui de ce dispositif. Tout cela doit être précisé dans le dialogue avec les intéressés. L’État ne confisquera pas le DPC aux professionnels.

Vous êtes chargée de mettre en place un portfolio dématérialisé. Cela signifie-t-il que vous travaillerez à la mise en place de la recertification périodique ?

Aujourd’hui, non. Le portfolio que nous allons construire avec les professionnels sera dans un premier temps un outil « administratif ». Y seront inscrits le nom du praticien, sa spécialité, son lieu d’exercice… Les médecins y renseigneront leurs diplômes et les actions suivies pour le DPC, l’EPP, la gestion des risques. Ce sera un passeport de formation qui permettra à l’Ordre de s’assurer du respect de l’obligation triennale.

Cet outil sera amené à évoluer, notamment pour l’adapter au portfolio prévu dans la réforme du 3e cycle des études médicales. Il pourrait servir dans des processus de validation d’acquis ou de passerelles, et peut-être un jour être un outil de la recertification.

Comment allez-vous procéder pour contrôler la qualité de l’offre de DPC ?

L’ANDPC évaluera la qualité des organismes et des programmes. Aujourd’hui, les professionnels reçoivent des propositions d’action de DPC alléchantes pour se former à la gestion du stress dans un riad de Marrakech ou à Bali ! Ça donne envie mais cela n’a aucun rapport avec la qualité des soins.

Nous devons travailler à de nouveaux critères pour contrôler la qualité de l’offre de DPC. Les organismes qui souhaiteront proposer des programmes devront être approuvés et apporter la garantie de leur fiabilité scientifique. Ils devront par exemple présenter une liste de professionnels chargés d’écrire et de réaliser les actions de DPC afin de vérifier leur sérieux. Nous veillerons aussi à ce que soit respectée l’indépendance de ces associations par rapport à l’industrie. Les liens d’intérêts éventuels de leurs membres devront être déclarés et vérifiés.

Comment allez-vous évaluer les programmes ?

Un organisme dont la compétence scientifique a été approuvée pourra déposer ses actions sur le site de l’agence. L’ANDPC ne pourra pas évaluer les 60 000 programmes différents proposés à l’ensemble des professionnels de santé mais nous réfléchissons à en contrôler 20 000 à 30 000 par an. À partir du moment où plusieurs programmes d’un même organisme seront évalués négativement, se posera la question de retirer son approbation.

Nous réfléchissons aussi à un système permettant à un professionnel qui identifierait une action litigieuse de la signaler à l’ANDPC. L’agence pourra déclencher un contrôle en dépêchant une équipe d’experts. Il nous faudra mettre en adéquation les moyens avec nos ambitions.

Ces dernières années, les médecins ont été déstabilisés par des annonces contradictoires sur l’évolution du budget du DPC. Comment y remédier ?

Il n’existe pas de solution toute faite mais il s’agit d’un enjeu important. Un message désastreux a été envoyé aux professionnels ces deux dernières années avec l’arrêt des nouvelles indemnisations décidé en cours d’année – même si par ailleurs le nombre de professionnels formés augmente. Or, au début de l’année suivante, l’enveloppe n’était finalement pas consommée !

Nous devrons trouver toutes les solutions de tuyauterie budgétaire, revoir les mécanismes d’inscription de façon à ce que la formation puisse se faire sans à-coups du 1er janvier au 31 décembre. La crédibilité du DPC en dépend.

Propos recueillis par Christophe Gattuso

Source : Le Quotidien du médecin: 9487