L’indépendance en péril ?

Publié le 12/12/2011
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POURTANT RÉAFFIRMÉE dès l’article 1 de la loi du 20 juillet 2011, l’indépendance du médecin du travail serait, selon les syndicats, remise en question. La CFTC, CFE-CGC, CGT, FO, SNPST et Solidaires ont vivement réagi au moment du vote du texte pour souligner ensemble l’ambiguïté des missions dévolues aux services de santé au travail. Comment conseiller les employeurs, les travailleurs et leurs représentants sur la prévention des risques professionnels et assurer parallèlement la surveillance de l’état de santé des travailleurs en fonction de ces mêmes risques ? Ce glissement des missions dévolues aux seuls médecins du travail fait naître, selon les syndicats, un conflit d’intérêts majeurs.

Craignant que « les services de santé au travail (SST) soient volontairement orientés sur des problématiques de complaisance détournant les médecins du travail des réelles difficultés plus gênantes », les syndicats s’inquiètent également de la question de l’inégalité de traitement entre les services interentreprises dont les missions sont confiées au SST et les services autonomes où le médecin du travail garderait plus de liberté d’action. Résultats : certains salariés seront suivis par des médecins du travail, d’autres pourraient sommairement être examinés par des médecins généralistes ayant signé un protocole avec le SST. Ceci concerne notamment le suivi médical des salariés du particulier employeur, des mannequins et des intermittents du spectacle. Autre ombre au tableau, l’article 13 subordonne l’équipe pluridisciplinaire au projet de service approuvé par le conseil d’administration. Une disposition contraire au code de déontologie médicale qui stipule dans son article 5 que « le médecin ne peut aliéner son indépendance sous quelque forme que ce soit ». Les syndicats ont saisi le Conseil constitutionnel sur la base de ces dispositions qui menaceraient la prévention de la santé des salariés et l’indépendance médicale.

Seule la CFDT voit dans cette réforme « quelques avancées et accord de compromis ». La CFE-CGC qui n’approuve pas ces dispositions a déjà fait savoir qu’elle préparait un nouveau texte pour le soumettre au futur parlement à l’issue des élections présidentielles de 2012. Médecin du travail à la CGT, André Causse attire l’attention sur des situations nouvelles et appelle à la vigilance : « À l’heure où des salariés reprennent leur entreprise pour conserver leur outil de travail et donc leur emploi, le rôle du médecin du travail doit au contraire être renforcé, car l’employeur d’origine ouvrière n’est pas le plus précautionneux vis-à-vis de ses collègues. Lorsque se posent des problèmes d’aptitude, de préconisations d’amélioration des conditions de travail, l’ouvrier qui fait ces propositions est encore systématiquement stigmatisé. L’indépendance du médecin du travail doit être garantie, car il reste bien souvent le seul contrôle social. »

 L. M.

Source : Le Quotidien du Médecin: 9057