Michèle Lenoir-Salfati (agence nationale du DPC) : « Nous voulons garantir que le budget du DPC finance des actions de qualité »

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Publié le 29/06/2017
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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

LE QUOTIDIEN : Combien de médecins ont-ils suivi une action de DPC en 2016 ? Quelle est la tendance en 2017 ?

MICHÈLE LENOIR-SALFATI : En 2016, 170 000 professionnels de santé libéraux ont participé à au moins une action de DPC dont 39 000 médecins différents ! En 2017, la dynamique se confirme. Fin mai, nous comptabilisions 50 650 inscriptions de 33 150 praticiens et les inscriptions se poursuivent.

Ces dernières années, le budget du DPC a été baissé, le forfait annuel maximal des praticiens ramené de 3 700 à 2 940 euros, le nombre d’heures de DPC prises en charge réduit. Cela permettra-t-il de former plus de médecins ?

Les mesures que vous citez ont fait l'objet de concertations et je tiens à saluer la grande responsabilité de la section professionnelle des médecins. 75 % des praticiens libéraux n’utilisaient pas leurs 28 heures annuelles de formation et n’employaient pas leur enveloppe globale maximale de 3 700 euros par an. La section a consenti à baisser le plafond annuel de prise en charge à 21 heures, à la mise en place de forfaits à l’heure et à ne pas augmenter les règlements des organismes. Cela permet à ce jour de capitaliser plus de 9 millions d’euros et de former davantage de professionnels. 

À votre prise de fonction, vous déclariez que le financement de la formation devait se faire sans à-coups du 1er janvier au 31 décembre car la crédibilité du DPC en dépend. Estimez-vous avoir rempli votre objectif ?

Soyons transparents, nous serons très certainement amenés à suspendre en cours d’année l’enveloppe allouée au DPC des médecins. Mais il est difficile d'annoncer une date car de nombreux critères entrent en ligne de compte, du fait notamment de la mise en place du parcours triennal.

Une liste d'attente sera instaurée, comme l’an dernier. Chaque annulation d’inscription ou de session profitera à une nouvelle inscription. En 2016, plus de 2 300 inscriptions complémentaires de professionnels ont ainsi été enregistrées ! Nous devrons étudier ce qui a conduit à cette suspension et voir comment nous pouvons encore intervenir sur certaines variables.

Avez-vous justement encore des pistes pour améliorer la gestion financière du DPC ?

Je souhaite que nous entamions des études sur le coût précis des formations car il est possible, dans certains cas, de le réduire. Que coûte réellement une action de DPC ? Quand un organisme propose le même programme depuis 10 ans, doit-il être payé de la même manière qu’un autre qui soumet une méthode innovante ? Il faut que les structures qui investissent dans l’innovation pédagogique puissent être valorisées.

Cinq organismes ont récemment dénoncé des retards de règlement. La situation est-elle résolue ?

Nous sommes un groupement d’intérêt public et les textes nous donnent 30 jours pour payer les organismes. Dans le cas cité, nous étions en effet au-delà de ce délai, aux alentours de 50 jours, c’est donc anormal. Toutes les associations ont été réglées pour leurs arriérés. Le délai de règlement moyen est passé en deçà des 30 jours dès lors que nous avons un dossier complet avec l’ensemble des pièces.

Faut-il autoriser les financements du DPC par des fonds privés ?

Il n’échappe à personne que les fonds publics ne sont pas extensibles. Lors des assises du médicament en 2011, Édouard Couty avait proposé la création d'une taxe de l’industrie pharmaceutique, d'un montant proche des 150 millions d’euros, pour contribuer au financement du DPC. L'État n'a pas retenu cette idée. Il est possible d'organiser des circuits pour que l’argent des laboratoires puisse servir au financement d’actions de DPC indépendantes et évaluées sous l’égide des professionnels.

Pour améliorer la qualité du DPC, tous les organismes devaient être réévalués d’ici à septembre. Où en est-on ? Certains ont-ils jeté l‘éponge ?

Oui. L'ancien système était assez poreux en laissant s’enregistrer toute une série d’organismes. Il n’y avait plus d’appels d’offres ni d’évaluation des programmes. On trouvait sur le site de l’OGDPC toutes sortes d’actions, des plus scientifiquement pertinentes aux plus fantaisistes. Sur les 3 000 organismes répertoriés en 2016, seuls 2 000 environ ont demandé leur enregistrement ainsi que 300 nouveaux. Nous espérons que cette réévaluation a permis d’écarter les structures qui n’avaient pas leur place dans le système. 

Vous avez signé une convention avec la MIVILUDES pour lutter contre les dérives sectaires dans le champ de la formation. Quels sont les risques ?

L’agence veille à la qualité des actions en vérifiant qu'elles sont conformes au périmètre du DPC, si elles répondent aux orientations du DPC et si elles entrent dans le champ de compétences réglementaire des professions. L'enjeu de ce partenariat est de préserver le secteur de la formation de l'entrisme potentiel de certains courants à la recherche de caution scientifique. Nous avons décelé un grand nombre d’actions en lien avec le bien-être mais qui n’ont pas démontré d’amélioration du service médical rendu (voir page 3).

Avez-vous écarté beaucoup d'actions ne répondant aux exigences du DPC ?

Nous avons mis en place le 23 mars un sas avant publication des actions de DPC sur notre site. Depuis cette date, nous avons publié 2 700 actions et nous en avons rejeté 361 pour un des trois motifs exposés. Sur les 7 000 actions déjà déposées avant le sas, 484 ont été retirées. Ce filtre qualité commence à produire ses effets puisqu'en ajoutant les actions rejetées par les commissions scientifiques indépendantes (CSI), plus de 1 000 actions ont été enlevées de son site par l'ANDPC ! Notre démarche permet de garantir que le budget du DPC finance des actions de qualité.

Propos recueillis par Christophe Gattuso Une liste d'attente sera instaurée, comme l’an dernier Il faut que les structures qui investissent dans l’innovation pédagogique puissent être valorisées

Source : Le Quotidien du médecin: 9593