« Avec l’émergence du patient-expert, on va entrer dans l’an III de la Démocratie en santé », pronostique Claire Compagnon, militante historique des droits des usagers, inspectrice générale des affaires sociales, paraphrasant le titre de son rapport « Pour l’An II de la démocratie sanitaire » (2014) ; l’an I a été l’adoption, en 2002, de la loi Droits des patients, dite loi Kouchner. Dans son rapport, elle en appelait à un statut de représentant des patients. Avec le patient expert, nous y voilà. « C’est un changement de paradigme, on n’est plus dans la verticalité de la relation médecin-malade, mais il s’institue un véritable dialogue entre eux, sur fond de chronicisation des pathologies », analyse l’actuelle déléguée interministérielle à la stratégie pour l’autisme.
Patient expert, patient ressource, patient partenaire, patient intermédiaire ou encore patient médiateur, ce bénévole a vu son apparition facilitée par la loi HPST (loi Hôpital, patient, santé et territoire) de 2009, qui a tracé les cadres de l’éducation thérapeutique. À son expérience personnelle, pour se prévaloir de son titre, il doit justifier d’une certification de 40 heures acquise auprès d’établissements de formation agréés. Quatre programmes ont vu le jour (Universités Pierre et Marie Curie à Paris, Grenoble, Marseille et Paris 13). La France est ainsi l’un des rares pays à diplômer ses malades en éducation thérapeutique, en délivrant un savoir complémentaire de celui des professionnels de santé, censé améliorer les relations médecin-patient et la qualité des soins.
En 2016, voyait le jour le DU en éducation sanitaire, « Master class sur la démocratie sanitaire ». Au programme, entraînement à la prise de parole en public, aux outils numériques et aux nouvelles technologies, aux méthodes d’animation citoyenne, cartographie des enjeux de santé, création des collectifs. Le tout avec des jeux coopératifs et des réseaux, autour de 20 pathologies chroniques différentes, pour maîtriser les outils et faire des patients des partenaires et des acteurs au cœur des systèmes de santé.
« Formations bricolées à la française »
Comme s’en réjouit le président la Mutualité française, Thierry Beaudet, « avec cette révolution du patient, c’est un système de santé non seulement pour et autour du patient, mais aussi par lui ». Mais on n’en est qu’au tout début. Il n’existe pas encore de reconnaissance institutionnelle du statut de patient expert en établissement de santé, note la HAS. « Et les formations restent très insuffisantes, elles sont bricolées à droite et à gauche, à la française, déplore Christian Saout qui en appelle à la Conférence nationale des doyens de facultés de médecine, pour que soit enfin créé au sein de chaque UER un bureau des patients experts.
« Il nous reste à inventer une vulgarisation médicale qui s’adresse aux patients-étudiants autrement qu’à des étudiants en médecine, estime le Pr Alain Sobel, qui préside le Comité pédagogique et scientifique du Master Class sur la démocratie sanitaire. Il reste aussi à fléchir les résistances de bon nombre de médecins, très réticents face à ce changement de paradigme. Car, même si le patient-expert ne doit pas s’immiscer dans le colloque singulier entre le médecin et le malade, il introduit un partage du savoir et une aspiration à la transparence qui ne vont toujours pas de soi », déplore l’ancien président du Conseil national du sida, qui avait participé activement aux débuts de la révolution de la démocratie en santé.
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