Dévoilé ce mercredi matin par Catherine Lemorton, présidente socialiste de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, le rapport parlementaire très attendu sur l’organisation de la permanence des soins décrit sans concession une organisation « hybride » (obligation collective dépendant du volontariat individuel des médecins), à la fois « complexe et illisible ».
Fruit de 18 mois de travaux, le rapport copiloté par Catherine Lemorton (rapporteure) et le député Républicain Jean-Pierre Door (président de la mission) pointe de « multiples insuffisances ». Pêle-mêle, il dénonce un pilotage étatique défaillant, un manque d’objectifs clairs et une articulation mal définie entre PDS et urgences hospitalières.
Moins de volontaires... sur des secteurs très vastes
Déjà constatée par l’Ordre des médecins, l’érosion continue du volontariat est soulignée. En 2013, le pourcentage des médecins volontaires n’est supérieur à 60 % que dans les deux tiers des départements, contre 73 % des départements en 2012.
Les libéraux ne sont pas accablés pour autant. Cette érosion du volontariat des médecins s’explique principalement par la démographie défaillante des départements ruraux, les inégalités territoriales (notamment dans les EHPAD) ou encore certains secteurs de garde très vastes parfois « déconnectés des relations professionnelles et confraternelles de proximité ».
La régulation médicale préalable tire assez bien son épingle du jeu. Des efforts significatifs ont été réalisés mais une marge de progression reste possible, indique le rapport, qui rappelle que seuls 60 % des actes de PDS sont régulés.
Bras armés de l’État en région, les agences régionales de santé (ARS) aux manettes de la PDS ne sont pas épargnées, elles qui ont mis en place des solutions « sans véritable stratégie », comme l’arrêt des gardes en nuit profonde, au profit de l’hôpital.
Le rapport pointe aussi la croissance préoccupante des coûts globaux de la PDS, avec de fortes disparités par région (y compris dans les tarifs d’effection et de régulation).
La mission fait enfin le constat de la « confusion » chez les patients, souvent égarés dans le maquis téléphonique des numéros d’appels, entre le 15, le 18 ou des numéros particuliers.
Développement des maisons médicales de garde
Quelles solutions ? Le rapport ne remet pas en cause l’acquis central du volontariat. « Il n’y aura pas d’obligation de faires des gardes », ont martelé ce mercredi Catherine Lemorton et Jean-Pierre Door, écartant la coercition jugée « contre-productive » que réclament certains élus. Le volontariat acquis de haute lutte en 2002/2003 est donc sanctuarisé dans ce rapport.
Pour remédier aux dysfonctionnements, la mission préconise de muscler la gouvernance nationale de la PDS ambulatoire. « Il semble que le ministère n’ait pas joué, au niveau central, son rôle de surveillance, pour en tirer un bilan », peut-on lire. Le rapport invite le ministère à suivre de plus près le dispositif et à diffuser des critères homogènes « pour permettre une diffusion des bonnes pratiques ».
La structuration de l’offre de soins est à revoir. Le rapport plaide pour le développement des maisons médicales de garde (MMG), assorti de critères d’implantation adaptés aux besoins des usagers. Des moyens de transport (déclenchés par le médecin régulateur) doivent être mis en œuvre dans les secteurs étendus pour les patients sans moyens de locomotion.
Plus polémique, la mission propose de favoriser la délégation de tâches en autorisant les infirmiers exerçant dans les MMG à recueillir les premiers éléments cliniques, à réaliser des actes techniques et à prescrire « sous réserve d’un encadrement adéquat ». Une filière d’infirmier clinicien dans le cadre de la PDS-A pourrait être constituée.
Éduquer les patients
Usagers et professionnels de santé ne sont pas oubliés. Le rapport suggère d’organiser une campagne auprès du grand public sur le thème « Téléphonez avant de vous déplacer ! » et de créer un numéro national d’appel pour joindre les régulateurs de la PDS-A, distinct du 15, réservé aux urgences vitales.
La mission propose aussi de sensibiliser les médecins dès leurs études à la régulation téléphonique et de permettre aux médecins remplaçants (en leur nom propre) et aux praticiens salariés des centres de santé de participer aux gardes.
Le rapport insiste au passage pour que soit réglée rapidement la question des gardes médico-administratives (délivrance des certificats de décès et gardes à vue), qui mettent les médecins effecteurs à forte contribution, sans rémunération adéquate. Autres pistes : réintégrer la PDS ambulatoire dans les négociations conventionnelles et renforcer la protection juridique des médecins impliqués.
Le rapport a été adopté ce mercredi à l’unanimité par les députés de la commission des affaires sociales.
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