PAR JEAN-CLAUDE SEYS*
L’ASSURANCE DES PROFESSIONS médicales à risques pose régulièrement des problèmes à l’occasion desquels s’affrontent les professionnels, les assureurs et les pouvoirs publics, lesquels imaginent des usines à gaz qui compliquent les problèmes plutôt qu’ils ne les résolvent.
Les choses apparaissent pourtant assez claires si on les regarde d’assez loin. Dans un environnement libéral, les praticiens doivent trouver un assureur qui leur fait payer le prix du risque ; le praticien répercute sur son client, comme tout fournisseur de produit ou de service, cet élément de son propre coût ; le coût des prestations santé est élevé et les soins réservés à des privilégiés, les autres ne peuvent y accéder : c’est le système américain quelque peu amendé par la réforme OBAMA. Il a sa cohérence logique, au prix de l’exclusion d’une partie de la population.
On peut imaginer le système inverse, également cohérent, qui est celui de l’hôpital public français : la sphère publique fixe les tarifs des actes et la rémunération des acteurs ; elle règle le coût des sinistres par le truchement d’une assurance qui se contente de les mutualiser.
La situation du secteur privé manque au contraire de cohérence dans la mesure où :
- les pouvoirs publics fixent les honoraires des praticiens sans considération pour leur coût d’exercice en particulier celui de leur assurance, qui est très significatif dans les spécialités à risques,
- ils contribuent à former le coût de sinistres indemnisés en fonction des dispositions législatives qu’ils arrêtent et de leur interprétation judiciaire,
- les assureurs demandent des primes qui sont fonction des sinistres et que nombre de professions ne peuvent assumer du fait que leur rémunération n’en tient pas compte,
- pour maintenir la pression sur la profession en deçà de l’explosion, les pouvoirs publics, prennent en charge une partie des primes d’assurance et des sinistres ! L’ONIAM, prend en charge les sinistres de plus de 3 millions d’euros, mais a le pouvoir d’exercer une action récursoire contre le praticien pour récupérer ce qu’elle a versé,
- par rapport à la profession, le secteur public n’apporte que sa contribution au paiement des primes et une limitation du coût de l’assurance par un plafonnement de la prise en charge, mais du fait de l’action récursoire cela revient à interdire de fait l’assurance pour les risques les plus graves.
Insatisfaction générale.
Il s’agit d’un dispositif particulièrement complexe et dépourvu de logique dont personne ne peut dire quel est le but réellement recherché mais dont on peut constater qu’il n’aboutit qu’à l’insatisfaction générale. Pourtant, les éléments rationnels conduisent à une solution simple : les pouvoirs publics fixant le niveau des honoraires et, par les règles d’indemnisation et leur interprétation judiciaire, le montant des sinistres, ils doivent fixer les honoraires à un niveau permettant de payer l’assurance ou prendre en charge les sinistres, à l’exception faite d’une pénalisation des praticiens ayant une mauvaise pratique. De ce point de vue, ce n’est pas tant le coût des sinistres, que leur nombre qui permet d’identifier la mauvaise pratique.
En effet, la médecine n’est pas une science parfaite et un certain taux de sinistralité réel (ou supposé de la part des patients, inconscients des limites de la médecine) – variable avec la spécialité – est inévitable ; un certain nombre de praticiens dépassent largement ce seuil incompressible et il est raisonnable qu’ils paient de leur poche les sinistres ou une assurance pour les couvrir, ce qui constitue une sorte de malus.
Ce dispositif très simple se heurterait à une seule difficulté : comment déterminer la sinistralité anormale ? La consultation des professionnels de chaque spécialité permettrait d’arrêter des critères et des normes statistiques adaptés à chaque spécialiste, l’orthopédie représentant par exemple une source de plaintes plus fréquentes que d’autres activités. Les statistiques historiques peuvent conduire, hypothèse d’école, à déterminer qu’un taux de sinistralité de 1 % est normal, soit 2 sinistres par an pour un praticien pratiquant 200 actes par an – 3 ou plus est alors une sinistralité anormale à supporter par le praticien ou son assureur.
L’expérience pourrait permettre d’améliorer ce dispositif en tenant compte d’un lissage dans le temps, pour éviter de mauvaises séries aléatoires ; la répartition entre garantie publique et assurance personnelle peut ne pas se faire seulement en raison de la chronologie (les 2 premiers au public et la suite au privé, par exemple), mais en fonction du degré de responsabilité du praticien déterminé par une instance ad hoc.
Quatre généralistes font vivre à tour de rôle un cabinet éphémère d’un village du Jura dépourvu de médecin
En direct du CMGF 2025
Un généraliste, c’est quoi ? Au CMGF, le nouveau référentiel métier redéfinit les contours de la profession
« Ce que fait le député Garot, c’est du sabotage ! » : la nouvelle présidente de Médecins pour demain à l’offensive
Jusqu’à quatre fois plus d’antibiotiques prescrits quand le patient est demandeur