« L'incitation seule n'est pas la solution contre la désertification médicale. » Le sénateur centriste Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable de la Haute Assemblée, et auteur en 2013 d'un rapport poil à gratter sur les déserts médicaux, a une nouvelle fois martelé ses convictions mercredi 17 février lors d'un débat au palais du Luxembourg.
« La situation ne fait que s'aggraver, a-t-il déclaré, en appelant de ses vœux une régulation au conventionnement dans les zones surdotées. Mais il y a de forts lobbies qui font que c'est difficile d'avancer. »
« L'offre de soins n'est plus en adéquation avec la demande et les attentes de nos concitoyens, a déploré le sénateur Les Républicains de Haute-Saône, Michel Raison. Nous devons faire preuve de pragmatisme pour assurer une répartition équilibrée de cette offre sur l'ensemble de nos territoires. »
De son côté, le sénateur UDI-UC du Doubs, Jean-François Longeot, a rappelé que les écarts de densité médicale pouvaient aller d’un à quatre dans des départements comme celui de l'Eure. « Le creux de la vague est attendu pour 2020, a-t-il calculé, il est temps de mettre en œuvre des solutions. »
Les interventions des sénateurs ont clairement fait apparaître que tous étaient en faveur, sinon de la coercition, tout au moins d'une vraie régulation à l'installation. En juillet dernier, la même commission sénatoriale avait proposé un amendement (rejeté) au projet de loi de santé, qui instaurait le conventionnement sélectif dans les zones surdotées, selon le principe d'une installation pour un départ.
« Ce dispositif n'a rien d'insultant, a argumenté Michel Raison. Le principe de la liberté d'installation demeure mais si la zone est surdotée, le nouveau venu ne peut bénéficier du régime de conventionnement. Ce mécanisme compléterait utilement les dispositifs d'incitation à l'installation. »
Passer aux actes
Les édiles présents n'ont pas été en reste. L'association des maires ruraux de France (AMRF) avait boycotté le débat, jugeant qu'elle avait assez parlé du sujet et qu'il était temps « de passer aux actes ». Nathalie Nieson, maire de Bourg-de-Péage (Drôme) et présidente de la commission santé et offre de soins de l'Association des petites villes de France (APVF), a rappelé, à juste titre, que le problème de la présence médicale touche aussi les communes situées en périphérie des grandes villes : « on ne peut plus dire que ça ne concerne que les territoires ruraux ». Trancher par le coercitif ou l'incitatif n'est pas simple mais Nathalie Nieson est persuadée qu'« on ne peut plus rester comme ça ».
D'autant que les maisons de santé pluridisciplinaires (MSP), longtemps présentées comme la panacée, n'ont pas toujours l'effet escompté. Selon Catherine Arenou, vice-présidente de l'association des maires ville et banlieue de France « elles ont peu d'effets positifs sur la démographie, car tous les services publics ont quitté les territoires ».
Le Dr Patrick Bouet, président de l'Ordre des médecins (CNOM) a sauté sur l'occasion pour réclamer « un vaste programme d'aménagement du territoire », rappelant qu'il serait « vain de penser que l'incitation pourrait à elle seule faire revenir les médecins des territoires désertés par la République ».
La formation peut aussi redonner le goût de la médecine générale aux jeunes générations. « Plus on montrera aux étudiants les territoires, et plus ils auront envie de s'y fixer », assure le Dr Émilie Frelat, présidente du Syndicat national des jeunes médecins généralistes (SNJMG).
La coercition, un échec absolu
Après avoir rappelé qu'en Angleterre comme en Allemagne, la coercition avait été « un échec absolu », Patrick Bouet a regretté certaines initiatives municipales qui, loin d'améliorer la répartition des médecins, la dégradent. Comme ces maires qui, désireux d'avoir un praticien dans leur commune, font bâtir des MSP sans projet médical préalable, et sans trop se soucier des autres projets en cours dans le bassin de vie. « Il faut se parler », lance-il en direction des élus.
Les maires ne sont pas opposés au dialogue. Mais Nathalie Nieson prévient : « si ça ne marche pas, il faudra du coercitif, ou du législatif ».
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