LE QUOTIDIEN : Services saturés, patients brancardés, délais d'attente qui explosent… Les urgences occupent le devant de la scène médiatique. Comment l'expliquer ?
Pr PIERRE CARLI : La situation est encore en cours d'analyse, mais deux phénomènes peuvent déjà aider à comprendre la récente saturation des services d'urgences français. Nous avons connu cette année une épidémie de grippe à tiroirs qui, associée aux maladies infectieuses et aux virus hivernaux, nous a compliqué l'existence. Nous n'avons pas connu une vague cataclysmique de patients mais la situation n'a pas été simple à gérer. Il faut ajouter à cela la prise en charge de malades qui ne venaient pas aux urgences en première intention, mais faute de rendez-vous dans les cabinets de ville, eux aussi saturés par à-coups par la grippe. Voilà pour les raisons ponctuelles. Il faut aussi s'intéresser aux raisons structurelles.
La désorganisation des urgences renvoie-t-elle à un problème de prise en charge à l'échelle de l'hôpital ?
Quand les urgences débordent, c'est que l'hôpital est désorganisé ! Cela veut dire que les autres services ne jouent pas leur rôle d'aval de premier niveau. On observe un phénomène un peu nouveau cette année : la saturation de l'aval de l'aval, autrement dit des services de soins de suite et de réadaptation et de gériatrie, remplis pendant tout l'hiver. Cela bloque totalement la fluidité de la prise en charge des patients entrés par les urgences. Dans une moindre mesure, la saturation des EHPAD contribue également au dysfonctionnement du système. C'est l'effet domino.
Doit-on établir un moratoire sur la fermeture des lits ou en rouvrir ?
Le sujet n'est pas le manque de lits, mais le manque de lits au bon endroit ! En post-urgences, les services de médecine polyvalente doivent être en mesure d'accueillir des patients qui seront soignés par les bons spécialistes. Ce n'est pas le cas et c'est bien pour cela que ça coince.
Les médecins libéraux ne sont plus soumis à la permanence des soins obligatoire. Ont-ils leur part de responsabilité ?
L'encombrement des urgences n'est pas dû à une défaillance de la médecine générale. Nous travaillons ensemble, pas en opposition. Une chose est certaine : on ne peut pas envisager de traiter l'aval des urgences sans se poser la question de l'amont. Des leçons doivent être tirées de ces dernières semaines pour éviter que des situations similaires ne se répètent cet été, une autre saison parfois problématique pour nous.
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