Dans un bâtiment récemment aménagé d'une zone industrielle, au nord de Reims, seize téléconseillers, microcasque vissé sur la tête, parlent d'une voix calme.
Dans une salle adjacente, sept autres pianotent sur leur clavier. Vous n'êtes pas dans les locaux d'un opérateur de téléphonie mobile. Bienvenue au centre de service interrégimes (CESI), plateforme nationale d'appui mise en place par la caisse primaire d'assurance-maladie de la Marne pour venir en aide aux médecins.
Depuis le 4 juillet, cette équipe de 23 téléconseillers répond aux questions des généralistes et spécialistes en quête d'informations ou qui rencontrent des difficultés avec la dispense d'avance de frais.
Une fiche pour les doublons
« Bonjour, je vous appelle pour un rejet, explique une généraliste. Le relevé que j'ai reçu mentionne qu'il s'agit d'une double facturation de mêmes actes, effectués le même jour et pour le même bénéficiaire. Je ne comprends pas. »
Le téléconseiller tente de trouver l'origine du problème. Sur son écran, apparaît la fiche 2 900-001 relative aux doublons. Il demande les numéros Adeli du professionnel, de Sécurité sociale de l'assuré, du lot de FSE concerné et de la facturation. Il annonce au médecin qu'il doit effectuer des recherches complémentaires et s'engage à le recontacter dans les 72 heures par téléphone ou par mail, selon sa préférence.
« La complexité est que nous n'avons pas directement accès depuis notre poste aux soins délivrés il y a plus de 10 jours, explique, après avoir raccroché, Benjamin, 25 ans, ancien militaire spécialisé dans la transmission en langage morse. Plutôt que de faire attendre le médecin, j'effectuerai la recherche cet après-midi et je vérifierai s'il y a bien eu un doublon ou non et je le rappellerai. »
Des profils ayant un bon relationnel
Le projet de plateforme de soutien est né en février dans le rapport commun de l'assurance-maladie et des complémentaires sur le tiers payant. Sa mise en place s'est effectuée en quelques semaines. L'un de ses principaux artisans est Aurélie Combas-Richard, jeune directrice de la CPAM de la Marne (37 ans), qui affiche la ferme intention d'améliorer les relations des caisses avec le corps médical. « Nous sommes allés ces derniers mois dans les cabinets découvrir la vraie vie des médecins, confie-t-elle. Il nous est apparu que l'on pouvait améliorer beaucoup de choses et que les médecins avaient un besoin d'aide à la facturation pour éviter les erreurs. » En avril, la caisse a lancé le recrutement et a reçu près d'un millier de candidatures.
« Nous avons tenu à embaucher des personnes ayant déjà une expérience professionnelle [IUT ou Bac+3] et un bon relationnel », précise la directrice de la CPAM. Figurent dans l'équipe une ancienne secrétaire médicale, un agent immobilier, un cadre hospitalier… Les managers, presque tous des anciens conseillers informatiques service (CIS) de l'assurance-maladie, ont été sélectionnés pour leur vécu avec les médecins.
Tous les téléconseillers ont pris leurs fonctions fin mai et ont été formés en cinq semaines. Ils ont appris le maniement des outils, les rudiments de la vie conventionnelle, de la législation, de la codification et du paiement…
Le service a immédiatement montré son utilité, ce qui montre en creux que le tiers payant n'est pas un long fleuve tranquille. « Nous recevons chaque jour 170 appels et une soixantaine de mails, précise Aurélie Combas-Richard. À terme en septembre, avec 56 conseillers et 6 superviseurs, nous serons calibrés pour répondre à 3 000 contacts par jour. » Toutes les demandes et réponses sont suivies et tracées.
Premier motif, les problèmes de facturation
À ce stade, 30 % des appels portent sur des problèmes de facturation souvent liés à des erreurs de télétransmission. Puis viennent les questions d'ordre général sur le tiers payant (20 %) et les changements intervenus au 1er juillet pour les patients en ALD et les maternités. De nombreux médecins s'interrogent sur les actes précis qui peuvent être pris an charge à 100 % dans ce cadre, à partir du 6e mois de grossesse et jusqu'à 12 jours après l'accouchement. Autre motif d'appel : les rejets (10 %), les logiciels…
.Le CESI s'est rapidement aperçu du risque possible de double facturation pour les patients à 100 % si le médecin ne décochait pas la case "tiers payant" et réclamait en plus le montant de la consultation. De nombreux praticiens souhaitent aussi savoir quand ils pourront avoir accès, depuis leur logiciel, au service ADRi pour connaître les droits des patients en temps réel (lorsqu'un patient oublie sa carte Vitale par exemple).
« Nous constatons un vrai besoin d'accompagnement, confirme Leïla, téléconseillère de 30 ans, ancienne secrétaire médicale à l'hôpital. Les médecins sont en général sympas, ils sont contents d'avoir quelqu'un pour répondre à leurs questions. »
Récupérer 6,90 euros
Certains praticiens manifestent leur ras-le-bol. « Le premier jour, nous avons reçu une douzaine d'appels de médecins qui nous disaient juste "Non au tiers payant" , témoigne la patronne de la CPAM. Un autre a volontairement bloqué la ligne pendant 15 minutes… » Certains sont remontés à l'image de ce médecin qui exige de parler à un responsable.
Tous les professionnels n'obtiennent pas des réponses rassurantes. Un généraliste a écrit au CESI pour s'interroger sur l'absence de remboursement intégral d'un acte effectué pour un patient qui n'avait pas sa carte Vitale et affirmait être en CMU-C. La CMU-C ayant été accordé après la date des soins, la plateforme a recommandé au médecin de prendre contact avec l'assuré pour récupérer les 6,90 euros de la part complémentaire.
Malgré la meilleure volonté des téléconseillers, il faudra du temps pour convaincre les médecins que le tiers payant sera simple et apportera une garantie de paiement rapide comme le promet depuis deux ans la ministre de la Santé.
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