Dans les allées du 122e congrès de la Société française d'ophtalmologie (SFO), qui s'est tenu du 7 au 10 mai à Paris, le Dr Charles Quarello détonne. Ce médecin est le seul à porter, par-dessus sa chemise, un T-shirt blanc où est inscrit… son numéro de portable, avec pour mot d'ordre « Cherche successeur », surmonté du symbole du caducée.
Le message peut faire sourire, mais pour le Dr Quarello, la situation devient très compliquée. Installé dans la Drôme, à Romans-sur-Isère, depuis près de 30 ans, cet ophtalmologiste en secteur II part à la retraite à la fin de l'année. Problème, il n'a toujours pas trouvé de successeur, d'où son T-shirt à message.
« C'est la deuxième année de suite que je répète cette opération, j'ai également posté des annonces sur des sites spécialisés, des sites d'offres d'emploi », se désespère le spécialiste de 60 ans.
Importante patientèle, accès au bloc
Organisé, le médecin a laissé des dizaines de flyers multicolores sur les tables du stand « Jeunes ophtalmos » du congrès. On peut y lire « Ophtalmologiste secteur II en Drôme, proche de Valence et de sa gare TGV [...] importante patientèle, cabinet médical très bien équipé, avec trois postes de consultation… ».
Le Dr Quarello y détaille l'équipement et l'organisation de son cabinet, où il travaille avec un orthoptiste, et précise que son successeur aura un accès automatique au bloc chirurgical de la clinique de l'agglomération. La patientèle - 7 000 à 8 000 dossiers au total - pourra même être développée, précise l'ophtalmologiste.
La peur de l'installation en libéral
Loin d'être au milieu d'un désert médical, son cabinet est au cœur de cette commune de 33 000 habitants (Romans-sur-Isère), à une heure de Lyon et de Grenoble, et à deux heures et demie des plages du sud. « Les jeunes ont le tropisme du soleil, c'est pourquoi je me suis dit que ma localisation pourrait les attirer… », explique le Dr Quarello.
Mais depuis un an, rien n'y fait. Le médecin n'a pas trouvé la perle rare. Est-ce la faute au nombre limité de postes ouverts en ophtalmologie à l'internat (146 en 2015, pourtant en hausse par rapport à 2014) ? « Sûrement un peu, mais la raison principale c'est que les jeunes veulent de moins en moins s'installer en libéral, cela leur fait peur », analyse le spécialiste.
« Les pouvoirs publics sont au courant de cette situation (démographique) depuis longtemps, mais n'ont rien fait pour la stopper, ajoute-t-il. Le calcul était pourtant simple à faire avec la date de naissance et la date d'installation des médecins. Il y a derrière tout ça une volonté de limiter les installations et donc les dépenses de la Sécu. »
« Je ne pensais pas en arriver là »
Le Dr Charles Quarello s'inquiète surtout pour ses patients. « Ils me demandent régulièrement si j'ai trouvé quelqu'un pour reprendre le cabinet. Comme je réponds par la négative, ils me demandent à être transférés chez un de mes confrères. Mais plus aucun ophtalmo du secteur ne prend de nouveaux patients ! », raconte le médecin, qui leur a même proposé de leur donner une copie de leur dossier.
« Je savais que ça serait compliqué, mais je ne pensais pas en arriver là », se désole-t-il. « Si personne ne veut prendre ma place, ce sera la fin du cabinet, alors j'essaierai de distribuer mon matériel à qui le veut bien. C'est triste mais cela risque de se passer comme cela », conclut l'ophtalmologiste, un brin résigné.
« Ce que fait le député Garot, c’est du sabotage ! » : la nouvelle présidente de Médecins pour demain à l’offensive
Jusqu’à quatre fois plus d’antibiotiques prescrits quand le patient est demandeur
Face au casse-tête des déplacements, les médecins franciliens s’adaptent
« Des endroits où on n’intervient plus » : l’alerte de SOS Médecins à la veille de la mobilisation contre les violences