« Graines en Santé », c'est le nom de la toute première maison de santé pluriprofessionnelle (MSP) pédiatrique en Île-de-France qui vient d'ouvrir à Noisy-le-Grand (Seine-Saint-Denis). Après trois ans de gestation, la structure a emménagé depuis mi-avril dans ses nouveaux locaux, une belle maison d’habitation divisée en six bureaux, deux salles d'attente, un secrétariat, une salle de soins et des boxes. C’est l’aboutissement d’un long cheminement commencé en 2019 par la Dr Anne Auvrignon, ancienne PH de l’hôpital Trousseau (Paris 12e) où elle travaillait depuis plus de vingt ans en hémato-cancérologie pédiatrique.
Rejointe par une pédiatre, la Dr Stéphanie Gorde, qui exerçait à l'hôpital de Reims et par sept autres soignants (ostéopathe, diététicienne, psychologue, orthophoniste, neuropsychologue, sage-femme et ergothérapeute), la Dr Auvrignon a décidé de créer la maison de santé pluriprofessionnelle, dont les médecins sont tous pédiatres. « Normalement, le noyau dur d'une MSP doit être composé de médecins de premiers recours donc habituellement des généralistes, explique la Dr Stéphanie Gorde. Mais nous remplissons également cette condition puisque nous sommes également des médecins de premier recours ».
Adhésion au projet de santé
Le choix du nom de la structure est venu lors d’une réunion. La graine rappelle l’enfant, qui va grandir, et la santé comme axe majeur de son développement. « L’orthophoniste a remarqué que les enfants ont souvent du mal à prononcer les z, les ch. Dans la bouche d’un enfant, Graines en Santé devient Graines enchantées », raconte, amusée, la Dr Stéphanie Gorde. Soutenue par l'ARS Ile-de-France, la MSP a reçu son agrément en avril 2021. Aujourd'hui, l'équipe est composée de 18 professionnels de santé dont quatre pédiatres. « Les soignants viennent travailler ici car ils adhèrent au projet de santé », insiste-t-elle. Un projet de santé longuement réfléchi et partagé.
Parmi les axes de travail, le premier est la santé globale de l’enfant ou de l’adolescent avec un accompagnement classique par un pédiatre, avec un psychomotricien ou un orthophoniste « quand cela est nécessaire ». Dans ce cadre, l'équipe souhaite développer un partenariat avec les médecins généralistes du territoire et des spécialistes pour faciliter l'adressage des patients, une « grosse difficulté » pour ce département médicalement déficitaire, ainsi qu'avec des structures qui s'occupent de l'enfance comme les PMI, les urgences hospitalières. Le deuxième axe, c’est le travail sur la parentalité avec le développement d'ateliers et un partenariat avec une infirmière puéricultrice qui travaille sur le modèle Asalée.
Éviter la déshérence médicale
« Elle fait de l'accompagnement et de la prévention, détaille la Dr Gorde. Elle propose des consultations des nouveau-nés qui durent une heure avec les parents où elle reprend les bases de la sécurité de l'enfant et la prévention de la mort subite du nourrisson ». Dans le domaine de l’éducation à la santé, le troisième axe du projet, la MSP a monté un groupe de travail dédié aux adolescents avec des ateliers sur la puberté, la sexualité, le harcèlement, l'addiction à l'écran où sont présents deux pédiatres, une sage-femme et une psychologue.
L'équipe de « Graines en santé » se préoccupe aussi de l'accompagnement des enfants et adolescents vulnérables, avec une spécialisation sur la question des prématurés, à travers l’adhésion au réseau périnatal Nef de santé. « Cela demande un travail de coordination pour déterminer le parcours de soins de l'enfant avec l'objectif de prioriser les examens, insiste la Dr Gorde. Cela évite la déshérence médicale qui coûte cher à la Sécurité sociale et aux patients avec un risque de retard dans la prise en charge. »
De fait, chaque mois, l'équipe organiser une réunion de concertation pluriprofessionnelle pour discuter des dossiers. En outre, tous les collaborateurs participent à deux séminaires par an pour réfléchir à des projets, des aménagements. Parmi eux, il y en a un qui fait la fierté de l'équipe. Depuis la pandémie, celle-ci a décidé de séparer les consultations de suivi de celles pour des soins non programmés aux heures d'ouverture de la MSP (8 heures-20 heures). « L’idée est de ne pas mettre les nouveau-nés qui viennent pour les vaccinations à côté des enfants qui ont des varicelles et des gastroentérites. C'est aussi un enjeu de santé publique », justifie la pédiatre.
Ce fonctionnement est un succès. Dans ce département qui compte 3,7 pédiatres pour 100 000 habitants contre 6,1 pour toute l'Île-de-France, les quatre spécialistes de la MSP sont médecins traitants de 1 500 à 2 000 enfants. Quant aux soins non programmés, les praticiens ont accueilli environ 6 500 enfants en 2022, à comparer avec les 20 000 consultations d’urgences pédiatriques annuelles de l’hôpital Saint-Camille de Bry-sur-Marne, soit environ 30 % de l'activité de l'établissement.
Pour développer ce pôle parent-enfant, l'équipe souhaite attirer de nouveaux médecins et professionnels de santé « On était deux pédiatres il y a trois ans et on va bientôt être cinq. La structure dans laquelle nous travaillons répond aux angoisses des jeunes installés », affirme la Dr Gorde.
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