Une dose vaccinale AstraZeneca qui finit à la poubelle en fin de journée, faute de patient. C’est le témoignage d’une médecin installée en Isère, et dont France 3 s’est fait l’écho cette semaine. La généraliste raconte ses difficultés à remplir son planning de vaccination contre le Covid depuis la suspension du sérum d’AstraZeneca et la découverte de plusieurs cas de thrombose chez des patients, suscitant la méfiance des Français.
Elle évoque la concurrence des vaccinodromes approvisionnés en vaccins Pfizer et Moderna. « Dans la mesure où vous proposez aux gens d’avoir un vaccin qui, entre guillemets "tue" et un vaccin qui "ne tue pas", alors que je rappelle qu’il y a aussi eu des soucis de thrombose chez Pfizer, forcément les patients vont se diriger vers celui-là », constate-t-elle avec regret.
Jeter des doses inutilisées, combien de médecins de ville sont contraints à cette extrémité ? « Je n’ai pas d’exemple, répond Le Dr Luc Duquesnel, président de la branche généraliste de la CSMF. Mais je me doute que cela doit exister. Quand vous avez planifié dix rendez-vous avec des patients et qu’en fin de journée, vous constatez qu’il y en a trois qui ne sont pas venus… »
Le Dr Jacques Battistoni s’interroge : « La presse en a parlé et ça paraît plausible. Mais pour autant, est-ce que ça arrive ? Est-ce que c’est fréquent ? Je n’en sais rien et je n’ai aucun témoignage dans ce sens. » Pour le président de MG France, les médecins anticipent ce genre de situation « soit en faisant un peu de surbookings, soit en ayant sous le coude quelques personnes éligibles qui s’étaient déclarées candidates ».
Vacciner les moins de 55 ans avec de l’AstraZeneca, c’est non
Autre tentation pour les médecins en peine d’écouler leurs doses d’AstraZeneca : vacciner des moins de 55 ans, sans tenir compte des recommandations de la HAS qui réserve le produit aux tranches d’âges supérieures. Certains praticiens auraient franchi le pas, selon des témoignages rapportés par « Le Parisien » et « Le Figaro ».
« C’est vrai que la tentation existe », relève le Dr Duquesnel qui met cependant en garde ses confrères : « Le risque d’accident est infime, mais en cas de problème, le patient ou sa famille peuvent se retourner contre le médecin. » Même réponse de la part du Dr Battistoni qui déconseille catégoriquement d’enfreindre les recommandations de la HAS. Mais « ça reste très théorique. Aucun confrère ne m’a posé la question », nuance le généraliste normand.
« On rame »
Les deux syndicalistes se font écho des difficultés rencontrées sur le terrain pour organiser la vaccination dans les cabinets. « Il y a un peu de découragement. Depuis la suspension du vaccin AstraZeneca, on rame », reconnaît le Dr Duquesnel. Il faut convaincre les patients que le bénéfice/risque du vaccin d’AstraZeneca est favorable, établir des listes de patients éligibles, courir après de nouveaux candidats quand l’un d’eux a fait faux bond… « Tout cela prend énormément de temps », constate le généraliste de Mayenne.
Le délai d’injection recommandé de la seconde dose, 12 semaines, complique encore la situation. Les patients vaccinés ces jours-ci auront leur rappel la semaine du 14 juillet, relève le Dr Duquesnel. En pleines vacances estivales. Pas simple d’établir un calendrier entre les congés des patients, ceux des généralistes… L’arrivée du vaccin monodose de Janssen devrait simplifier la donne. Mais là encore, il ne pourra pas être administré aux moins de 55 ans.
« Lassitude » et « découragement »
MG France se fait aussi écho de la « lassitude » et du « découragement » des praticiens sur le terrain, malgré leur « engagement massif ». Le syndicat dénonce l’approvisionnement chaotique et « imprévisible » des vaccins en ville. « Ce qu’on attend, c’est un système plus simple, réclame le Dr Battistoni. On veut pouvoir commander nos vaccins comme on commande un colis sur Internet. » Dans un communiqué, le syndicat regrette le cafouillage gouvernemental, « le manque de cohérence des informations sur les vaccins qui induit le doute chez les patients et le changement fréquent des cibles vaccinales, facteur de confusion pour les médecins et les patients. »
Les difficultés n’entament pas la confiance du gouvernement qui martèle ses objectifs. Le cap des 10 millions d’injections a été franchi le 15 avril, comme annoncé. Il promet que le seuil des 20 millions sera atteint à la mi-mai, puis celui des 30 millions à la mi-juin.
Pour les atteindre, l'exécutif adapte sa stratégie au coup par coup, par exemple en décidant d’élargir la population cible. Ce qui a le don d’agacer les médecins sur le terrain. « Ça part un peu dans tous les sens, réagit le Dr Duquesnel. Ce n’est plus une stratégie vaccinale, c’est une stratégie de communication. »
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