QUE CEUX qui redoutaient d’offrir à leurs enfants des jeux vidéos se rassurent : ils ne les rendront ni dépendants, ni violents. À condition d’en surveiller le contenu et l’usage. Le Centre d’analyse stratégique, (institution d’expertise et d’aide à la décision placée auprès du Premier ministre) organisait, à quelques semaines de Noël, une journée de réflexion sur ce thème, qui suscite autant d’enthousiasme que de craintes. « Nous sommes convaincus que fermer les yeux sur les inquiétudes engendrées par ce loisir pourrait contribuer à sa stigmatisation. Et c’est précisément ce qu’il faut éviter, car diaboliser le jeu vidéo serait totalement injustifié et contre-productif, tant les potentialités qu’il offre sont nombreuses », affirme son directeur général, Vincent Chriqui.
Spécialisé dans les nouvelles technologies, le Dr Serge Tisseron évoque les nombreux effets positifs du jeu, notamment avec la révolution des serious games, qui place le jeu « au centre des apprentissages ». L’enfant apprend à faire semblant et à maîtriser son angoisse, à exercer sa liberté, à gérer les contacts sociaux. C’est au moment où le jeu « n’est plus la tentative de vivre des expériences nouvelles et d’organiser des expériences anciennes mais un moyen de tenter d’échapper à des angoisses » qu’il devient pathologique et compulsif. « Les adolescents qui deviennent des joueurs excessifs sont le plus souvent des joueurs en souffrance », indique le psychiatre, qui évite toutefois de parler d’addiction à cet âge du fait du manque de maturation cérébrale, une preuve par l’imagerie : « Tout est fluide et changeant ». Selon lui, il est également important que « les parents s’intéressent à leurs jeux et les invitent à mettre des mots sur les émotions qu’ils y éprouvent afin de substituer peu à peu à la quête des sensations extrêmes le bonheur des émotions partagées. Mais chercher à comprendre sans poser des limites serait tout aussi inefficace. » Il faut encadrer mais aussi encourager les pratiques créatrices et valoriser les productions comme les machinimas (films en images de synthèse à partir des jeux) qui permettent aux utilisateurs de prendre du recul.
Une addiction de refuge.
« L’addiction n’existe que pour un sous-groupe de joueurs », constate, de son côté, le Dr Marc Valleur, médecin chef du centre Marmottan à Paris, spécialisé dans les addictions (toxicomanie et alcoolisme) et qui reçoit en consultation, depuis une dizaine d’années, des joueurs pathologiques. « Contrairement aux autres addictions, il n’y a pas, dans les jeux vidéos, cette notion de prise de risque. Il s’agit plutôt d’une addiction de refuge » pour des joueurs avec des profils plus inhibés que violents. L’intervention thérapeutique consiste en une psychothérapie : « Le médecin va établir une relation de confiance afin que l’adolescent comprenne pourquoi il a tant investi dans le jeu, ce qu’il a fui : des problèmes d’identité, une tension familiale... Parfois, le simple fait de voir quelqu’un de chair et d’os avec qui on va parler du jeu provoque un énorme changement », explique-t-il en rappelant l’aspect chronophage des jeux, en particulier les jeux de rôle en ligne.
Face à l’essor de ces jeux et aux craintes exprimées le plus souvent par les parents, le Centre d’analyse stratégique (CAS) suggère d’utiliser l’information et la prévention plutôt que l’interdiction. « Les mesures les plus efficaces sont, à nos yeux, celles qui misent sur la responsabilisation de l’ensemble des acteurs familiaux, de l’enfant aux parents mais également des professionnels du secteur, du créateur au distributeur », insiste Vincent Chriqui. Et la plupart des outils existent déjà. Une des propositions consiste, par exemple, à rapprocher les deux sites existants (pedagogeux.fr et jeuxvideoinfoparents.fr) en un unique portail de référence pour en améliorer l’efficacité. La signalétique européenne des jeux vidéo « PEGI » aurait, par ailleurs, besoin d’un coup de pouce pour mieux se faire connaître du grand public, puisque seulement 15 % des parents déclarent savoir identifier les symboles de ce système. Le CAS propose également de mettre en place des ateliers pratiques destinés aux adultes pour les sensibiliser aux « signes précurseurs des usages excessifs et à leur prévention ». En effet, si la grande majorité des consoles et des jeux offrent un système de contrôle parental, ces dispositifs demeurent encore peu installés par les parents.
Propositions du Centre d’analyse stratégique disponibles sur strategie.gouv.fr/IMG/pdf/NA201-Qsociales-JEUXVIDEO.pdf
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