Au conseil de l’Ordre
À Madame le maire
Chères Mesdames, chers Messieurs,
Je tiens par la présente à vous informer que je ne pourrai pas équiper mon cabinet de médecine générale, dans lequel j’exerce depuis 29 ans, d’une rampe d’accès pour personnes handicapées, et ceci pour trois raisons.
La première est que depuis mon installation, j’ai toujours assuré mes déplacements vers les personnes handicapées, à mobilité réduite, ou tout simplement, face à une patientèle vieillissante, les visites de ceux qui auparavant venaient me voir en consultation (le pourcentage de mes visites reste de 5 % par rapport à mes consultations).
La médecine générale impose une certaine réactivité et la quantité d’énergie utilisée par le médecin pour se déplacer vers un handicapé me semble bien inférieure à celle nécessaire au transfert inverse.Or comme il n’est pas besoin de le préciser tant cela relève du bon sens et de la définition du handicap, le début du soin, leur rendre service, c’est d’abord de venir à eux dans le respect de leur « immobilité » relative ; c’est tout le sens des visites à domicile qu’effectue le généraliste.
La deuxième raison est d’ordre technique ; la disposition de mes locaux professionnels attenants à mon habitation nécessiterait, en dehors du préjudice esthétique, la condamnation de deux locaux privés.
Il y a, enfin, la disproportion entre le coût élevé des travaux de mise en conformité et la fréquentation effective de mon cabinet par des patients à mobilité réduite.
Laissons de côté la « concurrence déloyale » dont nous pourrions être suspectés face à des cabinets ne pouvant pas s’équiper, non sans nous livrer à un peu d’anticipation… :
Considérant comme principal critère de choix du médecin traitant non ses compétences, mais bien sa facilité d’accès et la qualité de sa rampe, des hordes de handicapés se ruèrent vers le Dr Schmuk… Des bouchons de fauteuils roulants se formèrent qui remontaient jusqu’à la place du village où trois gendarmes assuraient la fluidité du trafic… Bientôt une bagarre éclata entre les paraplégiques qui s’estimaient prioritaires et les aveugles qui ne trouvaient pas le cabinet dont ils avaient tant entendu parler… Ce fut un festival de cannes, de béquilles, de prothèses qui, retirées de leur membre d’attache, constituaient des armes redoutables… Les fers à repasser qui prolongeaient les bras infligeaient de sérieuses embarrures aux trisomiques non accompagnés… des poches de colostomies remplies valsaient dans les airs comme autant de grenades offensives… Le sol était rendu glissant de sang et roulant d’yeux de verre, des rats attirés par l’odeur pestilentielle des moignons contribuaient de façon significative à réduire, en même temps que les membres des affligés, le déficit de la Sécurité sociale par la standardisation des modèles de prothèses qu’il lui incomberait désormais de fournir… Un gendarme quitta ses fonctions après avoir récupéré sur le champ de bataille un pénis de silicone de fort acabit… Pendant ce temps, le Dr Schmuk était débordé par les gueules cassées qui retiraient une partie de leur prothèse faciale pour ne pas être reconnues et consulter deux fois… Des hélicoptères munis de lance à eau rétablirent le calme, dispersèrent les handicapés qui repartirent avec ce qu’ils pensaient être la prothèse la plus ressemblante à celle qu’ils possédaient auparavant, d’entre celles qui jonchaient le sol… Les aveugles amputés représentaient la population la plus lésée dans cette répartition… Le Dr Schmuk, écumant, à coups de hache, pulvérisa la rampe qui avait fait sa réputation… « Ah, quelle belle rampe ! », disaient ses confrères.
Vous remerciant de l’attention que vous porterez à cette lettre, je vous prie, chères Mesdames, chers Messieurs, de croire en mes sentiments les plus cordiaux.
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