[Avertissement - Ceux qui croient que les politiciens sont des honnêtes hommes, que les hommes d’église sont des saints, que les avocats défendent la veuve et l’orpheline, qui croient ce qui est écrit, ne doivent pas lire le texte suivant.
Ce que j’y dis n’engage personne, mais pourrait perturber leur vision saint-sulpicienne d’une profession où s’active une élite dévouée au bien public sans esprit de retour, sans remerciement, pour un salaire horaire inférieur à celui d’un mécano qui va changer une durite, du plombier qui va remplacer un joint, du véto qui va vous vendre un sac de croquettes au prix du caviar.
J’ai essayé de trouver une raison à une vocation en voie de disparition car accusée de ne pas savoir guérir un rhume ni empêcher de mourir et d’en susciter pour lutter contre le désert médical, juste sanction à une déréliction qui accablerait les résistants s’ils n’avaient pas une bonne raison de monter la garder envers et contre tous et tout.]
On pourrait croire que pour être médecin, il fallait être masochiste et se complaire à écouter des horreurs, voir des horreurs, faire des horreurs : vider les bubons, les furoncles, les anthrax, les abcès, nettoyer les plaies, les chancres et j’en passe.
Heureusement pour lui, il n’en est rien. Il n’y a pas plus équilibré qu’un médecin et s’il supporte avec stoïcisme d’être incommodé, ennuyé, emmerdé (dans le sens littéral et non littéraire), en acceptant, avec le sourire, d’être le dépotoir de tous les malheurs physiques, physiologiques, psychologiques du corps et de l’âme, c’est que c’est la seule façon qu’il a – et que les autres n’ont pas – de se savoir différent, meilleur, indemne.
Il se traite, le besoin s’en faisant toujours sentir, en affrontant le mal pour pouvoir se sentir bien.
Comment mieux apprécier de respirer à pleins poumons que de traiter des asthmatiques, des emphysémateux, des bronchitiques qui crachent, étouffent, asphyxient ?
Comment ne pas être heureux de pouvoir marcher, courir, danser quand on soigne des artéritiques, des polynévrites, des arthrosiques avec gonalgie et coxarthrose ?
Comment ne pas profiter des bons vins, des bons gâteaux, des bons repas quand on entend gémir, à longueur de consultation, les diabétiques, les cirrhotiques, les gastritiques, les colitiques ?
Comment ne pas se sentir tonique, dynamique, actif quand on ne voit que des dépressifs abouliques, asthéniques, suicidaires ?
Pour apprécier à sa juste valeur le bonheur d’être en bonne santé, il faut se confronter, s’étalonner, se comparer à ceux qui ne le sont pas pour s’extasier de sa chance, de son bonus face au malus de sa pauvre clientèle pleurante, souffrante, mourante.
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