Le divorce est-il consommé entre le gouvernement et les biologistes libéraux ? Depuis la présentation du budget de la Sécu pour 2023, le secteur de la biologie médicale est vent debout contre la diminution annoncée de son enveloppe de routine de « 250 millions d’euros par an » en 2023, 2024, 2025 et 2026. Arguant d’une activité exceptionnelle des laboratoires pendant la pandémie, avec une rentabilité qui a bondi de 23 % en 2020, l'exécutif veut mettre ce secteur particulièrement à contribution pendant plusieurs années, à la faveur de l'article 27 du PLFSS.
Mortifère
Regroupés au sein de l'Alliance de la biologie médicale (ABM), quatre syndicats de praticiens (les Biologistes Médicaux, SDBIO, SNMB, SLBC) et principaux groupes de laboratoires d'analyses (APBM) ont crié ce vendredi leur incompréhension et leur colère contre cette baisse pérenne des actes courants.
Pour la spécialité, cette ponction va désorganiser durablement le secteur, freiner l’investissement et l’innovation. Pis, elle aura des conséquences « mortifères » comme des fermetures de sites réduisant l’accès à la biologie de proximité, un des atouts français. « Oui pour participer à l'effort de guerre, non s'il s'agit de payer seuls le "quoi qu'il en coûte" », a déclaré Alain Le Meur, président de l'APBM.
Les biologistes refusent que leur activité soit « sacrifiée » sur l’autel de la régulation budgétaire. Selon le Dr Jean-Claude Azoulay, président du Syndicat national des médecins biologistes (SNMB), « cette baisse représente 2 centimes d'euros par lettre B. Cela correspond à une réduction de 7,4 % du chiffre d'affaires, et en comptant l'inflation environ 14 % ». « Il est temps de mettre fin de ce rabot structurel qui se traduira par moins de proximité, d'emploi et de prévention », a résumé François Blanchecotte, président du Syndicat des biologistes (SDB).
Oui pour une contribution exceptionnelle Covid
Gage de bonne volonté, la profession se déclare prête à participer à l’effort collectif sous la forme d’une « contribution exceptionnelle fléchée sur l'activité liée au Covid » (one shot) dont le montant serait proche de celui envisagé par le gouvernement.
Au-delà de cette taxe ponctuelle, l'association propose « d'investir massivement dans la permanence des soins et les soins non programmés » avec l'ouverture des laboratoires tardivement dans chaque territoire et l'équipement des sites de proximité avec des automates pour libérer les services d'urgence. « Mais cela demande des moyens », met en garde le Dr Lionel Barrand, président de Biomed.
Maintien des sites
Dans ce contexte, les membres de l'Alliance de la biologie médicale regrettent vivement que leurs amendements déposés en commission des affaires sociales (pour limiter la ponction à la seule année 2023) aient tous été rejetés cette semaine. Pire, les députés ont ajouté une contrainte au secteur pour obliger les laboratoires à « maintenir leurs différents sites sur le territoire ». « C'est très schizophrénique », se désole le Dr Azoulay (SNMB). « Ce n'est pas la réponse que nous attendions », abonde François Blanchecotte (SDB). Il prévient que la profession pourrait prochainement « fermer des sites, arrêter de transmettre les résultats de tests Covid, voire initier un mouvement de grève ».
Cette menace d'un arrêt d'activité de la biologie est même ouvertement exprimée. « Nous pourrons mettre en œuvre une grève générale d'ampleur, à l'issue du vote du PLFSS, en fonction des réponses du gouvernement, insiste Catherine Courboillet, présidente de Cerba HealthCare. Il est important qu'il entende nos propositions. »
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