LE SUJET des dépassements d’honoraires (2,5 milliards d’euros) avait déjà surgi dans la campagne présidentielle, François Hollande promettant de les « encadrer », Nicolas Sarkozy de les « limiter ».
À l’hôpital public, c’est le secteur privé et ses « dérives » qui s’est retrouvé récemment sur le banc des accusés, à la faveur d’un appel à suppression lancé par 200 médecins dans « Libération ».
Les deux textes (un arrêté et un décret) publiés au « Journal officiel », élargissant d’une part l’option de coordination existante pour les praticiens de bloc de secteur II, et contraignant d’autre part les complémentaires à rembourser ces nouveaux dépassements encadrés, devraient nourrir la polémique, et non pas l’éteindre, tant le terrain des tarifs médicaux est devenu sensible dans un contexte de renoncement accru aux soins (un Français sur cinq).
En pratique, l’arrêté augmente le plafond des dépassements autorisés au sein de cette option, désormais fixé pour chaque acte technique à 50 % des tarifs Sécu pour les chirurgiens, obstétriciens et anesthésistes (au lieu de 20 % jusque-là). Ces praticiens devront toujours réaliser ces dépassements sur 70 % de leur activité au maximum. Quant au décret, il précise que pour bénéficier des aides fiscales et sociales, les contrats responsables (90 % des contrats santé des mutuelles et assurances) devront prendre en charge l’intégralité de ces dépassements encadrés des spécialistes de bloc ayant choisi l’option de coordination. La boucle de la régulation est bouclée ? Pas si simple.
Injustice.
Ce double mécanisme est présenté par Xavier Bertrand comme une étape forte dans la maîtrise et le remboursement des dépassements, à défaut d’avoir obtenu un accord tripartite sur le secteur optionnel (Sécu, médecins, assurance-maladie). De fait, le gouvernement fait valoir que les compléments d’honoraires, certes relevés, facturés par les médecins sur plateaux techniques ayant choisi l’option seront désormais solvabilisés systématiquement par les mutuelles et les assurances.
Mais combien de praticiens de secteur II choisiront-ils cette option de coordination new-look ? C’est une des incertitudes majeures, alors que l’option actuelle (créée en 2005, révisée en 2011) est restée confidentielle en attirant moins de 1 500 spécialistes de secteur II (toutes disciplines confondues) sur 30 000 concernés. Pour les spécialistes, le deal consiste à accepter ces dépassements « maîtrisés » en échange d’une prise en charge partielle des cotisations sociales. Tout dépend donc de l’activité propre (plafond moyen de dépassements, part de tarifs opposables), de sa région d’exercice, du profil de patientèle...
Mutuelles et syndicats de salariés ne sont en tout cas nullement convaincus par l’argument d’un renforcement de l’accès aux soins. Dans un communiqué commun, la CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT, FO, FSU, UNSA et la Mutualité française expriment leur désaccord total avec les textes publiés et appellent à une « action résolue » contre les dépassements par un « strict encadrement ». Ces organisations expliquent que les spécialistes de secteur II qui facturent les taux dépassements les plus élevés dans les zones en tension (Paris, Lyon, PACA...) ne seront pas (ou très peu) intéressés par l’option de coordination, même renforcée, et que, à l’inverse, les praticiens qui pratiquent des dépassements modérés y trouveront un « effet d’aubaine », en étant en quelque sorte incités à facturer...jusqu’au plafond autorisé. Avec un dommage collatéral : le « renchérissement » des cotisations mutualistes. Et une pénalisation pour les assurés qui ne bénéficient d’aucune couverture complémentaire. Pour « Que Choisir », c’est carrément un « jeudi noir [jour de parution des textes] pour l’accès aux soins » tandis que la FNATH (accidentés de la vie) condamne « une mauvaise réponse à une bonne question ».
Sous-cotation des tarifs opposables.
Éreinté par le monde mutualiste et les associations de patients, le dispositif ne satisfait pas non plus la profession. Du côté des syndicats de spécialistes, le BLOC, majoritaire parmi les médecins de plateaux techniques, dénonce « l’exclusion des praticiens du secteur 1 » privés de tout nouvel espace de liberté tarifaire, dans un contexte où chacun, à droite comme à gauche mais aussi à la CNAM, reconnaît pourtant depuis des lustres la sous-cotation des tarifs chirurgicaux. Le syndicat organisera plusieurs tables rondes, le 6 avril, sur le thème des dépassements et des tarifs opposables. Pas en reste, la CSMF stigmatise un « renoncement de plus » du gouvernement, cette option de coordination renforcée n’ayant « rien à voir avec le secteur optionnel » entrevu et espéré il y a encore quelques mois.
Associations de patients et syndicats de salariés hostiles ou peu convaincus, mutuelles en colère, praticiens sceptiques...: si l’exécutif espérait tirer un bénéfice politique immédiat de cet arsenal réglementaire, à un mois du premier tour, l’objectif est manqué. Il est également certain que le sujet n’est pas clos et sera à l’agenda du nouveau gouvernement quel qu’il soit.
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