2022, annus horribilis, pour la médecine de ville ? Éreintés après plus de deux ans de crise sanitaire, les praticiens libéraux n'ont cessé d'exprimer leur malaise et même leur exaspération au fil des mois. Après un Ségur de la santé qui a accordé des milliards d'euros à l'hôpital public depuis 2020 (en revalorisations salariales et en investissements), la profession a lancé les hostilités sur le terrain des honoraires à l'approche des négociations de la nouvelle convention.
La pression est montée crescendo. De fait, l'avenant n° 9, entré en vigueur en avril 2022, – censé incarner le versant ambulatoire du « Ségur » – n'a pas permis de panser les plaies de la médecine libérale. Au contraire, il a été vécu comme une déception ou un saupoudrage de mesures, notamment sur la valorisation des soins non programmés.
Tous les regards se sont donc rapidement tournés vers la préparation de la nouvelle convention – l'actuelle arrivant à échéance le 31 mars 2023. Déclin de la démographie médicale, manque d'attractivité du secteur libéral, mutation de l'exercice, transferts de tâches : pour les représentants des libéraux, ce nouveau pacte contractuel est celui de « la dernière chance ». « Qu'on nous donne enfin les moyens de nous organiser afin de retrouver l’attractivité du métier », lance en mars le Dr Franck Devulder, président de la CSMF.
Tour de chauffe
En préparation du nouveau round, le DG de la Cnam a balisé le terrain. Thomas Fatôme programme dès avril des groupes préparatoires afin de « partager le bilan » des outils conventionnels comme les contrats démographiques, les options de pratique tarifaire maîtrisée (Optam/Optam-Co) ou la rémunération sur objectifs de santé publique (Rosp). Ce tour de chauffe est plutôt bien perçu par les représentants syndicaux, soucieux d'acter les manques et les échecs de la précédente convention. À tour de rôle, alors que pointe déjà l'inflation, chacun monte au front pour réclamer un choc d'attractivité, une valorisation de l'expertise médicale et une vraie simplification du métier. MG France réclame une convention attractive pour le médecin généraliste traitant.
Mais dès la rentrée, les mauvais signaux s'accumulent. La Cour des comptes fustige dans son rapport annuel le rôle « marginal » du système conventionnel en matière de régulation territoriale comme tarifaire. La critique centrale vise le mode de rémunération, jugé « inadapté » pour transformer les pratiques individuelles et collectives. L'acte resterait trop « prépondérant » (69 % à 98 % selon les professions ou spécialités), peu propice au déploiement de la prévention et présentant le risque de « dérive inflationniste ».
49.3 et étau budgétaire
Les mauvaises nouvelles pointent aussi sur le front parlementaire. Outre les attaques sur la liberté d'installation (lire ci-dessous), le budget de la Sécu – adopté à coups de 49.3 – prévoit une hausse du budget des soins de ville limitée à 2,9 % l'an prochain. « Les chances d'aboutir à une convention paraissent faibles à ce stade », alerte la Dr Agnès Giannotti, nouvelle présidente de MG France. Tous les leaders déplorent le décalage entre l'étroitesse des marges de manœuvre budgétaires et les attentes considérables du secteur.
C'est dans ce contexte que s'ouvrent en novembre les négociations avec la Cnam, cadrées par les orientations des ministres François Braun et Agnès Firmin Le Bodo. Les objectifs sont fixés : lutte contre les déserts médicaux, prévention, gain de temps médical, développement du numérique… Le calendrier annoncé est serré – quatre mois pour trouver un compromis ! La caisse a fixé le menu : les partenaires commenceront par les assistants médicaux (avec l'objectif de 10 000 auxiliaires d'ici à 2025), les contrats démographiques, puis la Rosp… La question centrale des revalorisations d'honoraires sera renvoyée à janvier 2023, propose le patron de la Cnam.
Jours de grève
Mais cet agenda de négos ne convient pas aux syndicats représentatifs. Ils écourtent ensemble la première séance, réclament d'emblée des garanties sur l'ASV et le secteur II et demandent surtout que la question tarifaire ne soit pas releguée à la fin des discussions. Parallèlement, la fronde médicale monte sur le terrain au mois de novembre. Le mécontentement se cristallise au travers de mouvements divers comme les « vendredis de la colère » et surtout le collectif de praticiens « Médecins pour demain » – né sur Facebook – qui porte en étendard la consultation à « 50 euros ».
Ce mot d'ordre tarifaire est repris rapidement par l'UFML-S, le SML et la FMF. La fermeture des cabinets libéraux, les 1er et 2 décembre, lancée par le collectif, est soutenue par tous les principaux syndicats. « Nous voulons des perspectives de revalorisations qui répondent à nos attentes », assume le Dr Luc Duquesnel, président des Généralistes-CSMF. Le 30 novembre, le DG de la Cnam écrit aux médecins pour assurer que l’Assurance-maladie « est prête à investir dans cette nouvelle convention et à revaloriser les tarifs des actes et consultations ». « Votre action diagnostique et clinique, plus longue pour certains patients complexes, doit être valorisée à sa juste valeur », souligne-t-il.
Pas de quoi faire retomber la pression. Cette semaine encore, des appels syndicaux ou de la « base » ont été lancés en vue d'une grève des gardes et de la fermeture des cabinets libéraux lors de la dernière semaine de décembre.
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