Prévu initialement pour le 1er janvier 2018, le prélèvement à la source entrera en vigueur le 1er janvier 2019. Mais si l’on comprend à peu près son fonctionnement pour les salaires et les retraites, nombreux sont ceux qui nous demandent comment ce changement de fiscalité va s’adapter aux professionnels libéraux. Et comment se déroulera la fameuse « année blanche », où l’impôt ne sera pas payé ?
En effet, pour les salaires et les pensions, le système paraît simple. Le débiteur du salaire ou de la pension (employeur ou organisme de retraite) retiendra le montant de l’impôt quand il paiera le salaire ou la retraite puis il le reversera au Trésor public. Mais qu’en sera-t-il pour un professionnel libéral ?
Des acomptes mensuels
Le système qui a été retenu par l’administration est celui du prélèvement d’acomptes mensuels ou trimestriels. Le contribuable fournira à l’administration les références d’un compte bancaire et, chaque mois ou chaque trimestre (sur option), l’administration prélèvera un acompte qui servira à régler l’impôt dû au titre de l’activité libérale.
Petite complication (et ce n’est pas fini…) : les acomptes de janvier à août inclus seront calculés sur la base du bénéfice libéral de l’année N – 2. De septembre à décembre, c’est le bénéfice libéral de l’année N – 1 (que l’administration connaît à partir du mois de mai) qui servira de base aux acomptes.
Ainsi, pour les prélèvements effectués en 2019, c’est l’année 2017 qui sera retenue pour les acomptes versés de janvier à août et l’année 2018 pour ceux allant de septembre à décembre.
Ce qui veut dire que la régularisation, en plus ou en moins, des acomptes versés au titre de l’année 2018 ne sera faite qu’à partir de septembre 2019 ! Si le bénéfice de N – 1 est supérieur au bénéfice de N – 2, le complément d’impôt sera prélevé à compter de septembre de l’année N. S’il est inférieur, la réduction d’impôt apparaîtra également à partir de septembre de l’année N.
Vous allez donc vous demander : quelle différence avec le système actuel de mensualisation ? En pratique, pas grand-chose, en dehors du fait que les prélèvements seront faits sur douze mois au lieu de dix. Mais pour la grande majorité des professionnels libéraux, contrairement à ce que laisse entendre l’administration, le paiement de l’impôt ne se rapprochera pas de la perception du revenu. En période de croisière, il n’y aura pas de changement significatif en terme de trésorerie.
Cela étant, les acomptes versés sont affectés au paiement de l’impôt de l’année en cours et non à celui de l’année précédente comme actuellement. D’où des avantages notables dans certaines situations.
Avantage en cas de baisse de bénéfice
En cas de départ en retraite, l’impôt sur le revenu afférent à la période d’activité libérale sera théoriquement payé en totalité (à quelques ajustements près). Dans ces conditions, si vous prenez votre retraite, par exemple le 31 décembre 2020, vous pourrez demander que l’acompte de janvier 2021 soit calculé sur le montant de votre retraite et non sur le bénéfice libéral antérieur. Or actuellement, quand vous cessez votre activité, il vous reste à payer l’impôt sur le revenu de l’année précédente ! Attention toutefois, dans notre exemple, à la régularisation de l’année 2019.
Autre situation : si vous cessez votre activité libérale, par exemple pour devenir salarié. Vous pourrez alors demander à l’administration d’arrêter les prélèvements le mois suivant celui de la cessation. Mais là encore, il pourra y avoir une régularisation sur la période antérieure.
Enfin, si votre bénéfice diminue de façon importante en cours d’année (par exemple à la suite d’une maladie), vous pourrez, avec le prélèvement à la source, diminuer instantanément vos acomptes en les adaptant à votre nouveau revenu.
Qu’en est-il de 2018, « l’année blanche ?
Pour les revenus libéraux de l’année 2018, vous devrez déposer une déclaration 2035 avant début mai 2019. Et l’impôt correspondant sera calculé, ne serait-ce que pour déterminer le montant des acomptes. Or, à partir de janvier 2019, vous commencerez à payer l’impôt sur le revenu de 2019. Il n’est donc pas question de payer en même temps l’impôt sur le revenu de 2018 et celui de 2019.
L’administration fiscale a donc prévu d’offrir aux contribuables libéraux un « crédit d’impôt modernisation du recouvrement » (CIMR). Il s’agit d’un crédit d’impôt qui annule – totalement ou partiellement – l’impôt dû au titre des revenus de 2018. Ainsi, si l’impôt que vous devrez au titre de votre bénéfice libéral de 2018 est de 6 000 euros, vous aurez droit, en principe, à un CIMR de 6 000 euros. Vous n’aurez donc rien à payer.
Mais l’administration connaît bien les professionnels libéraux qui sont d’abominables tricheurs. Elle suppose qu’ils vont chercher à gonfler artificiellement leur bénéfice 2018, voué à l’annulation, en reportant un maximum de recettes sur cette année et en diminuant leurs dépenses !
Dans ces cas-là, la riposte de l’administration est toujours la même : elle construit une « usine à gaz » ! Et celle de cette année est particulièrement réussie.
L’idée est de comparer le bénéfice libéral de 2018 avec ceux des années 2015, 2016 et 2017. Le bénéfice ouvrant droit au crédit d’impôt ne pourra excéder le plus élevé des bénéfices de ces trois années. Prenons un exemple.
Nous supposons que l’impôt correspondant au bénéfice de 2018 est de 12 000 €. Le bénéfice de 2018 étant supérieur au bénéfice des trois années précédentes sera plafonné à celui de 2016, soit 56 000 €. Le crédit d’impôt sera donc de : 12 000 x 56 000/58 000 = 11 586 €. Il restera donc à payer un impôt de 414 €.
Toutefois, l’administration admet que l’augmentation du bénéfice de 2018 peut résulter de l’augmentation régulière de l’activité du contribuable (par exemple en début d’activité). Dans ce cas, si le CIMR a été plafonné, un crédit d’impôt complémentaire s’ajoutera au CIMR plafonné au titre de l’impôt 2018 dans deux situations :
- Si le bénéfice de 2019 est supérieur à celui de 2018 : le complément de CIMR sera égal à la différence entre le CIMR calculé sur le bénéfice de 2018 et celui qui avait été versé.
- Si le bénéfice de 2019 est inférieur à celui de 2018 mais supérieur au bénéfice le plus élevé de la période 2015 – 2017 : le complément de CIMR sera alors égal à la différence entre le CIMR calculé sur le bénéfice de 2019 et le CIMR versé.
- Enfin, si le bénéfice de 2019 est inférieur à celui de 2018, vous pourrez bénéficier, en faisant une réclamation contentieuse, d’un crédit d’impôt complémentaire en montrant que la hausse du bénéfice de 2018 par rapport aux trois années précédentes et à l’année 2019 résulte uniquement d’un surcroit d’activité en 2018.
Ce crédit complémentaire sera liquidé à partir de septembre 2020…
Quelle stratégie adopter pour 2018 ?
En pratique, les professions médicales et paramédicales n’ont pas beaucoup de latitude pour jouer sur leur bénéfice imposable. Leurs recettes sont appréhendées au fur et à mesure de leur activité et, pour les dépenses, il est préférable de les payer régulièrement si l’on ne veut pas se fâcher avec ses fournisseurs. En outre, le développement des prélèvements automatiques restreint encore plus les marges de manœuvre.
On peut simplement dire qu’il n’est pas opportun de réduire votre bénéfice de 2018 si vous estimez qu’il sera supérieur à ceux de 2015, 2016 et 2017. Au pire, vous aurez un peu d’impôt à payer mais il vous suffira d’attendre 2019 pour voir si vous ne pouvez pas bénéficier du crédit d’impôt complémentaire.
Ce qui est certain, c’est que vous n’avez pas intérêt – fiscalement – à prendre votre retraite avant le 31 décembre 2018. Les revenus de 2018 seront exonérés d’impôt, la plupart du temps totalement. Il est donc préférable que ce soit sur des revenus d’activité, forcément supérieurs à votre pension de retraite.
Car il ne faut pas oublier que l’avantage essentiel du passage au prélèvement à la source pour les professionnels libéraux, c’est d’échapper à l’impôt une année de leur vie ! On n’a pas souvent l’occasion d’avoir un tel cadeau fiscal.
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