En pleine campagne vaccinale, l’initiative a relancé de manière un peu rude les controverses sur l’accès à l’innovation. Dans une tribune au « JDD », une centaine de scientifiques exhortaient le mois dernier Merkel et Macron à faire des vaccins Covid un « bien public mondial », quitte, pour y arriver, à mettre en cause la protection par les brevets. La démarche – qui fait suite à des tentatives précédentes venant de la gauche de l’échiquier politique – n’a pour l’heure pas semblé ébranler les décideurs. Mais elle montre, s’il en était besoin, le rôle catalyseur joué par la crise sanitaire sur les grands débats du moment.
Il est pourtant difficile de mettre sur un même plan l’apparition, dans un contexte d’urgence, de vaccins à ARN messager potentiellement destinés à la totalité de la planète et les innovations de rupture et de niche fort onéreuses apparues ces derniers temps sur le marché du médicament. Mais, dans tous les cas, il s’agit de savoir qui bénéficiera du progrès et qui doit payer pour le financer. La prise de conscience a été soudaine, à la faveur de l’arrivée dans les années 2010 du Sovaldi guérissant l’hépatite C, qui a occasionné un bras de fer entre décideurs et industriels, sous l’œil inquiet des professionnels de santé et des patients. Après ce précédent, et à la faveur d’autres négociations du même type autour du coût de nouveaux produits, les États du Vieux Continent ont compris qu’il leur fallait s’unir pour peser face aux producteurs. À l’heure du SARS-CoV-2, l’Europe a paru retenir la leçon, organisant des commandes groupées de vaccins dès les premiers mois de la pandémie. Bilan plutôt concluant quant aux tarifs obtenus, très inférieurs à ceux des États-Unis, même si les difficultés d’approvisionnement ces dernières semaines ne sont sans doute pas étrangères aux prix négociés par l’Union Européenne…
La pandémie actuelle suscite encore d’autres interrogations. Pourquoi les industriels français n’ont à ce jour pas été au rendez-vous des vaccins ? Notre souveraineté sanitaire est-elle menacée ? Qu’est-ce qui pousse nos chercheurs à quitter l’Hexagone ? Et comment faire pour améliorer demain la situation ? Le tout récent accord-cadre signé entre le Leem et le Comité économique des produits de santé (CEPS) entend pour la première fois relever ces défis. Primes à la relocalisation, mises sur le marché accélérées, évaluation des produits en vie réelle… Industriels comme pouvoirs publics applaudissent ce new deal censé accroître la performance hexagonale en matière d’innovations thérapeutiques. Rendez-vous dans trois ans lorsque ce protocole arrivera à échéance et déjà lors d’un CSIS (conseil stratégique des industries de santé) en juin prochain pour savoir si l’on est vraiment passé des paroles aux actes. Quoiqu’il en coûte ?
Exergue : Il s’agit de savoir qui bénéficiera du progrès et qui doit payer pour le financer
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