Après le « quoi qu'il en coûte » présidentiel pendant la crise du Covid, la Cour des comptes remet les pendules à l'heure dans son rapport annuel sur les comptes de la Sécurité sociale, rendu public cette semaine.
« En 2021, pour 1 000 euros dépensés, 130 euros sont financés par de nouvelles dettes à la charge des générations futures, s'alarme Pierre Moscovici, son président. La Cour appelle donc l'attention sur la nécessité de réamorcer le plus rapidement possible les mécanismes de régulation ou de contrôle des dépenses et des recettes de la Sécurité sociale dans son ensemble, qui ont pu être relâchés durant la crise ». À quels mécanismes l'ancien commissaire européen fait-il ici allusion ?
La Cour appelle d'abord à approfondir les modes de rémunération à la qualité, qu'il s'agisse de la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP) des médecins libéraux ou du plus discret dispositif d'incitation financière à l'amélioration de la qualité (IFAQ) dans les hôpitaux. Elle invite également la CNAM à accélérer l'actualisation de la nomenclature des actes médicaux (un chantier qui commence) et à promouvoir davantage les parcours de soins sur la base de référentiels de bonnes pratiques élaborés en lien avec la HAS. « Ce n'est pas un rapport d'austérité mais un rapport de transformation », se défend ainsi l'ex-ministre socialiste.
Réformes en retard
D'autres chantiers ont pris beaucoup trop de retard aux yeux de la Cour, « sans que la crise ait d'ailleurs joué un rôle déterminant dans ces ralentissements », glisse Pierre Moscovici. Il cite « la réforme du financement des Ehpad engagée il y a plus de dix ans et celle du financement des soins de suite et de réadaptation et des soins psychiatriques, il y a plus de vingt ans ». Sur ce dernier point, les oreilles du ministère avaient déjà dû siffler puisque les décrets fixant les nouvelles modalités de financement de la psychiatrie (avec dotation populationnelle et à l'activité) sont tout juste parus. La rue Cambon regrette aussi le rythme trop lent de déploiement de la e-prescription et les atermoiements sur la maîtrise des dépenses de biologie médicale (lire page 19).
A contrario, s'il y a bien un chantier qui a été accéléré de façon spectaculaire à la faveur de la crise sanitaire, c'est celui de la télésanté. Au point que la Cour des comptes invite à mettre le holà. Le nombre de téléconsultations est passé de 140 000 en 2019 à 18,4 millions en 2020. « Il est nécessaire de mettre fin à la prise en charge dérogatoire à 100 % qui perdure encore aujourd'hui, et ce jusqu'au 1er janvier 2022, au détriment de la Sécurité sociale et à l'avantage des complémentaires, souligne Pierre Moscovici. Il n'y a pas d'intérêt à favoriser la multiplication de téléconsultations qui se substitue surtout au mode de recours traditionnel à la médecine de ville, alors qu'elles présentent un coût supérieur et qu'elles reposent sur des outils encore faiblement sécurisés. »
Enfin, la Cour en remet une couche sur une de ses vieilles lunes – marotte partagée par l'hôpital public et l'industrie pharmaceutique – à savoir la nécessité de programmer les dépenses sur plusieurs années. En effet, « dans la pratique », les lois de programmation des finances publiques (LPFP) « ont peu orienté les décisions prises » sur les objectifs de dépenses puisque ceux-ci ont été très fréquemment révisés, déplore la Cour. « Un des intérêts principaux d'un cadre pluriannuel est d'apporter de la visibilité aux acteurs pour leur permettre de mettre en œuvre dans la durée les transformations nécessaires », plaide-t-elle. Une façon paradoxale de parer à l'imprévu.
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