Les professions libérales peuvent-elles infléchir le cours de la réforme des retraites ? Et quelle méthode choisir pour peser ? Alors que l'exécutif démine le terrain (concertations citoyennes, consultation des corps intermédiaires, vote d'ici à l'été 2020), plusieurs syndicats battront le pavé aujourd'hui à Paris, à l'appel du collectif interpro SOS Retraite.
Un cortège partira à 14 heures de la place de l'Opéra, dans lequel on retrouvera des avocats (Conseil national des barreaux – CNB), des médecins (FMF, Le BLOC, UFML-Syndicat), des infirmières (Convergence, UNIDEL), des kinés, orthophonistes et podologues mais aussi des pilotes (SNPL) ou encore des hôtesses et stewards… Le Syndicat national des ORL (SNORL) appelle lui aussi les praticiens libéraux à manifester. Un mouvement protéiforme mais qui se veut « lanceur d'alerte », quand beaucoup d'autres privilégient la voie des négociations (encadré).
Spoliation
Organisée en quelques semaines seulement, la manifestation d'aujourd'hui sera le « premier round », ont expliqué les leaders de ces organisations, déterminées à refuser l'« absorption » des régimes autonomes dans le futur système universel par points.
Le collectif dénonce la hausse des cotisations (variable selon les métiers) qui condamnera des professions à la « mort économique », la disparition des caisses autonomes (CARMF, CARPIMKO…) « qui n'ont jamais rien coûté au contribuable », la « spoliation » des réserves ou la remise en cause d'avantages conventionnels. « La réforme Macron, c'est davantage de cotisations, davantage de ponctions et moins de pensions. Un cabinet sur deux fermera ses portes », lance Ghislaine Sicre, présidente de Convergence infirmière.
Flou sur la valeur du point, perte des solidarités professionnelles garanties par les caisses autonomes, menaces sur l'ASV… « Le danger est immense, souligne avec gravité le Dr Jérôme Marty, président de l'UFML-Syndicat. On ne peut pas déstabiliser davantage une profession médicale qui vit déjà un effondrement. Le risque, c'est moins d'installations, davantage de déserts médicaux. » « On ne va pas partir à 70 ou 75 ans », ajoute le généraliste de Fronton, partisan d'un « arrêt total » d'activité si le gouvernement reste sourd.
Durée des études, horaires à rallonge, pénibilité, gardes : parce qu'ils sont soumis à rude épreuve, les libéraux de santé veulent conserver une certaine autonomie dans le pilotage de leurs retraites (ce que ne permettra pas un régime universel jusqu'à 120 000 euros). « On oublie trop souvent la souffrance des soignants, c'est pourquoi nous irons jusqu'au bout », certifie le Dr Philippe Cuq, président de l'Union des chirurgiens de France (UCDF) et coprésident du BLOC, évoquant lui aussi des « arrêts d'activité, même si c'est dur de mobiliser les médecins et encore plus les chirurgiens ».
La grogne médicale a été renforcée par le projet de transfert aux URSSAF du recouvrement des cotisations de retraite des praticiens. « Les URSSAF, c'est la pire des administrations. On ne veut pas de ce hold-up », s'étrangle le Dr Jean-Paul Hamon, président de la FMF. Sur la méthode, le généraliste de Clamart peste contre la marginalisation des syndicats. « Le risque, ose-t-il, c'est que la réforme soit faite par les gilets jaunes. »
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