« Force est de constater que nous avons désormais une "télé-ministre" qui préfère intervenir en "téléconsultation" à travers une vidéo ». Après une très récente expérience à l'Université d'été de la CSMF, la ministre de la Santé Agnès Buzyn semble avoir pris goût aux interventions filmées à distance, et cette méthode n'a pas vraiment plu au président du Syndicat des médecins libéraux (SML), le Dr Philippe Vermesch, qui organise ses journées de rentrée à Palavas-les-Flots (Hérault) du 4 au 6 octobre.
« La ministre de la Santé m’avait confirmé sa venue, et je regrette qu’elle ait, au dernier moment, fait d’autres choix. Je crains que cette façon de faire ne l’isole de ceux qu’elle représente », a égratigné le Dr Vermesch.
Pourtant, Agnès Buzyn s'est employée à ménager les quelque 170 cadres du SML, et à travers eux, à rassurer la profession médicale. « En signant les accords sur les CPTS (communautés professionnelles territoriales de santé) et les assistants médicaux, le SML a fait la preuve de sa responsabilité. Votre syndicat montre que les médecins sont prêts à accepter les mutations en cours », a assuré la ministre depuis Paris, la tour Eiffel dans le dos. Elle a également rappelé qu'elle ne croyait pas à une médecine « administrée » depuis le ministère, une des craintes très souvent relayées par le SML.
« Spécialistes de la paperasse »
Surtout, la locataire de Ségur a tenté de rassurer les praticiens libéraux sur deux sujets « chauds » : les délégations de tâches et la réforme des retraites.
« J'entends les craintes exprimées sur les évolutions des compétences des professionnels non-médecins, sur la vaccination et la réalisation de tests rapides d'orientation et de diagnostic (TROD) en pharmacie, a expliqué Agnès Buzyn. Jamais un élargissement des compétences ne se fera au détriment de la qualité des soins et des patients, ni au détriment des médecins, notamment sur le plan financier. » Or, c'est précisément la crainte du corps médical qui déplore certaines délégations de tâches décidées à la hussarde et sans concertation (initiatives parlementaires, plan de refondation des urgences avec de nouveaux protocoles pour les infirmières ou les kinés...).
Concernant les retraites des libéraux, les crispations des médecins sont également entendues, assure la ministre de la Santé, tout en soulignant certains « discours alarmistes ». « Les médecins libéraux cotisent aujourd'hui à un taux élevé, ils n'ont donc pas à s'inquiéter d'une hausse des cotisations. Quant aux réserves (7 milliards d'euros, NDLR) accumulées, il n'y a aucune raison qu'elles ne soient pas utilisées par les médecins libéraux, elles ne seront aucunement confisquées », a assuré Agnès Buzyn, semblant oublier que beaucoup d'autres sujets inquiètent la profession : avenir de la CARMF, future gouvernance du système universel, sort de l'ASV, baisse des pensions...
En réponse, le Dr Philippe Vermesch a montré des signes d'impatience. « Oui, le SML a joué le jeu, en signant les deux textes conventionnels sur les CPTS et les assistants médicaux. Mais impossible de constituer une CPTS sans recourir aux spécialistes de la paperasse des ARS et des URPS, se désole le stomatologue. Au lieu d’y remédier, le gouvernement a décidé unilatéralement de distribuer à d’autres, non pas les formalités administratives qui nous envahissent, mais nos tâches médicales les plus simples ! »
Majoration de 15 euros
Il a ensuite énuméré une liste de sujets sur lesquels le syndicat est particulièrement demandeur, en commençant par la valorisation de la permanence des soins (PDS-A), que le SML veut (comme d'autres syndicats) étendre au samedi matin. Surtout, le syndicat réclame une majoration de 15 euros « pour toute consultation non programmée vers tout médecin sur appel d’une régulation de préférence libérale » . Autre requête : la mise en place d'un dispositif généralisé de régulation libérale pour les urgences non vitales autour du numéro 116 117, à l'heure où Agnès Buzyn vient de lancer les travaux autour du futur service d'accès aux soins (SAS) universel.
Le Dr Sophie Bauer, secrétaire générale du SML en charge des plateaux techniques lourds, s'alarme de son côté du chantier programmé de refonte de la nomenclature (CCAM), redoutant « que cela n'engendre des baisses de tarifs sur certains actes ». Les nouvelles économies réclamées aux biologistes et aux radiologues constituent à cet égard des signaux inquiétants.
Le Dr Maurice Bensoussan, psychiatre et président de l'URPS médecins libéraux en Occitanie, s'inquiète pour sa part du devenir des médecins « précurseurs » sur les assistants médicaux, qui se sont engagés financièrement sans contrepartie économique.
Revel n'a pas de baguette magique
« La majoration de 15 euros appliquée à chaque consultation non programmée est une mauvaise idée, l'argent qu'on mettra là-dessus, on ne le mettra pas ailleurs. Quant à la maintenance de la CCAM (...) forcément qu'il y aura quelques actes perdants, mais il n'y aura pas de spécialité perdante », a assuré Nicolas Revel, directeur général de l'assurance-maladie, venu suppléer à l'absence de la ministre, essuyant quelques protestations de la salle. Avant de conclure qu'il n'y avait pas de « baguette magique économique ».
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