Après le « quoi qu’il en coûte », Emmanuel Macron est-il en train d’inventer le « vivre avec » ? Exit en tout cas, son tonitruant « nous sommes en guerre » du 17 mars 2020. Le chef de l’État semble vouloir cette fois décréter la fin des hostilités. On dira que c'est le privilège de Jupiter que de pouvoir en décider ainsi… Mais au-delà du fait du prince, cela ressort aussi d'un savant calcul. Emmanuel Macron est à la fois réaliste sur la patience limitée des Français, fataliste sur l’impossibilité d’éradiquer le virus et volontariste sur la capacité du pays à relancer son économie. Pour autant, son plan pour déconfiner l'Hexagone ne manque pas d’audace, alors même que la plupart des indicateurs (admissions en réa, nouveaux cas, incidence) demeurent fragiles. En présentant, dans ce contexte sanitaire incertain, un calendrier progressif, mais téméraire, Emmanuel Macron ose donc un nouveau pari.
D'ici à deux mois, toutes les activités devront donc avoir repris sans restrictions ni couvre-feux ; seules les boîtes de nuit devant faire exception à cette libéralisation. Le risque évidemment est de favoriser un relâchement des comportements, aboutissant à une quatrième vague à la rentrée (ou avant…). Le plan du chef de l’État prévoit certes des garde-fous en cas de dérapage. Et surtout, il table sur l’arsenal dont on peut se prévaloir désormais dans la lutte contre la pandémie. À la même époque l’an passé, personne ne disposait de vaccins, et la France manquait de masques et de tests ; et régnait au début de l'été dans la population un climat de Libération et d'insouciance. Et les variants n’avaient pas encore perturbé la donne épidémiologique. Un aléa majeur, admet le président : « Il faut rester vigilant », martèle-t-il, avouant qu’il ignore si une sortie de crise est envisageable en 2021…
Ce positionnement, optimiste et transparent à la fois, pourrait lui valoir un retour en grâce dans l’opinion, escompte-t-il. Et déjà, c'est un grand ouf de soulagement pour le secteur de la restauration, celui du commerce et celui de la scène. Dans le monde scientifique et hospitalier, en revanche, l'inquiétude est patente. Il y a ceux qui ne disent rien, mais n’en pensent pas moins. Et de ce point de vue, le silence du président du Conseil scientifique est éloquent. Et il y a ceux qui donnent de la voix : comme ces médecins réanimateurs, internistes ou urgentistes et ces gestionnaires d'établissements qui alertent sur un déconfinement prématuré. D'autant que les jeunes soignants s'épuisent : en Île-de-France, les services les plus exposés n’ont pas fait le plein lors du choix des internes en mai… Autant de signes de mauvaise humeur ou d’épuisement chez les blouses blanches que les pouvoirs publics ne peuvent prendre à la légère. Olivier Véran l'a bien compris, qui promet désormais un passage rapide sous la barre des 15 000 nouveaux cas par jour, avec la perspective de tomber les masques en extérieur cet été. Il lui faut à la fois rassurer ses confrères et motiver ses concitoyens à se faire vacciner.
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