Dix ans après la transposition en France de la directive européenne sur l’expérimentation animale, où en est-on ? Entre respect de l’animal et progrès de la science, l’équilibre n’est pas simple à trouver. Comme en témoignent les chercheurs interrogés par « Le Quotidien ». « Il ne serait pas éthique de passer de l'étape in vitro au patient sans études intermédiaires », fait valoir sous anonymat une chercheuse de l’Institut Curie. Chacun note d’ailleurs l’importance de la règle des 3 R (« Remplacer, réduire, raffiner ») qui encadre les pratiques, avec parfois des lenteurs administratives. Sur le terrain, la recherche fondamentale s’avère la principale utilisatrice, selon des chiffres du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche publiés en début d’année. Et si on enregistre une augmentation du nombre d’animaux utilisés en 2021 par rapport à 2020 - marquée par la pandémie de Covid -, pour atteindre 1,89 million, on retrouve le niveau de 2019, qui était la 4e année de baisse successive. Il faut néanmoins rappeler que la première enquête statistique en 2014 recensait près d’1,77 million d’animaux utilisés à des fins scientifiques. La réglementation n’a donc pas vraiment permis de réduire leur nombre, il faudrait toutefois pouvoir comparer avec le nombre de recherches réalisées sur le territoire français.
Mais un autre aspect de la réglementation entre aussi en ligne de compte : la mise en place de structures de bien-être animal (SBEA). Sur ce plan-là, des efforts sont aussi faits, comme l’indique Ivan Balansard, vétérinaire au CNRS et président du Gircor, groupe interprofessionnel de réflexion et de communication sur la recherche : « Les SBEA ont un devoir de signalement en cas de problème. Les chercheurs ne sont pas isolés, il ne peut y avoir de déviance solitaire ». Les établissements doivent recevoir un agrément et font l’objet de contrôle. En 2019, 81,5 % d'entre eux sont « globalement conformes ou avec quelques non-conformités mineures, ce qui est un résultat satisfaisant », se félicite le ministère de l’Agriculture. Avant d’ajouter que les 16,8 % présentant des non-conformités moyennes « font l’objet d’un suivi plus rapproché ». Les chiffres 2021 n’étant pas encore disponibles tandis que ceux de 2020 sont moins représentatifs (le nombre d’inspections inopinées a été fortement restreint).
Enfin, il ne faut pas oublier l’arrivée de techniques innovantes et d’outils de modélisation qui ouvrent aujourd’hui de nouvelles perspectives pour la recherche. À l’exemple des organoïdes, dont l’utilisation dans le domaine de la vision est détaillée dans nos pages. Car in fine, si l’expérimentation animale est aujourd’hui encore cruciale pour la médecine, c’est bien parce qu'elle est mise en œuvre dans les toutes premières étapes des développements de nouveaux traitements pour les patients. Rappelons qu’en 2022, 89 autorisations de mises sur le marché ont été délivrées par l’Agence européenne des médicaments (EMA), dont 41 médicaments avec un nouveau principe actif.
Débat
Comment faire face à la mort d’un patient quand on est médecin ?
Enquête flash : les prescriptions sous influence… des patients
En partenariat avec France Info
C’est ma santé : le retour de la tuberculose
C’est vous qui le dites
« Si on forme trop de médecins, ils seront smicards »