Je suis ulcéré ! J’étais dentiste dans un quartier partiellement défavorisé où j’ai œuvré pendant plus de 30 ans. Si je lisais et lis encore le Quotidien du Médecin, c’est pour obtenir une vue plus large de mes patients. Depuis six mois, je lis dans votre presse (et dans d’autres) des articles sur la prévention et sur l’accès aux soins pour tous.
La prévention : en s’installant, nous (les dentistes) avions un produit de prévention qu’était le fluor. Je le prescrivais (aux familles qui voulaient bien m’écouter), fort d’une bibliographie anglaise et nordique sur plus de 30 ans. Dans ces familles, souvent motivées, les résultats furent plus que bons (je faisais de même pour mes quatre enfants). Puis j’ai eu des retours, la maman m’expliquant que le médecin disait que cela ne servait à rien (quand ce n’était pas pire). À qui la maman fait-elle le plus confiance ? Pas au dentiste ! Donc doucement, le fluor est abandonné (diminution de 80 % des caries et avec pour corollaire moins de foyers infectieux à distance). L’opposition au fluor est surtout venue avec le déremboursement des comprimés. Le dentiste de quartier a baissé les bras…
L'accès aux soins : sur les conseils ordinaux, j’avais un créneau tous les jours pour les « soins non programmés ». On disait les urgences ! Le plus souvent, des patients repoussés par des confrères, ou souffrant de douleurs qui nécessitaient un peu de bonnes paroles, une petite ordonnance d’attente… pas grand-chose, une consultation que je cotais C. Vous ne pouvez pas imaginer la difficulté que j’ai eue à convaincre le dentiste conseil qui statiquement trouvait que j’avais trop de consultations dans mes relevés d’actes (40 % de plus que la moyenne du département) et qui considérait cela comme des indues, de la triche, de la fraude… J’ai pris ma retraite et il n’y a plus de dentiste dans ma commune.
J’ai l’impression que la vie médicale est un éternel recommencement !
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