Plusieurs touristes étrangers visitant Paris ont été récemment agressés par un individu classé S. Malheureusement, l’un d’entre eux est décédé, ce qui laisse un goût très amer à de nombreux Français fiers de leur capitale, et du bon vivre dans notre métropole.
Au-delà de ce fait divers, nous avons pu apprendre que l’individu à l’origine de l’agression était un récidiviste (il avait, quelques années auparavant, tenté de participer à un attentat), et qu’à la suite d’une incarcération avait une injonction de soins. Le ministre de l’Intérieur très agacé par cette situation, peu acceptable en ce qui concerne la sécurité de notre pays, a rapidement rejeté la responsabilité de cet acte sur une catégorie de professionnels de santé : les psychiatres.
Il a expliqué que ce patient aveuglé par le fanatisme religieux ne prenait aucune thérapeutique afin d’éviter ce triste fait divers. Il était en rupture totale de soins. Les soignants avaient jugé (le ministre laisse entendre de manière subliminale que c’était une faute) que cet ancien prisonnier ne présentait plus aucun danger, et par voie de conséquence ne devait recevoir aucune thérapeutique.
Ce que certains journalistes ont souligné, c’est le fait que la mère du meurtrier était préoccupée par l’état mental du fils, et qu’elle avait sollicité certains professionnels qui n’ont pas eu de réaction vis-à-vis de cette situation. On ne sait pas précisément si ces professionnels étaient des fonctionnaires de police, ou des soignants.
Les soignants sont conscients des erreurs de jugement possible dans le domaine de la psychiatrie
Ce triste fait divers a marqué de nombreux journalistes, et plus que cela, a agité le landernau politique. Certains ont profité de cette occasion pour monter au créneau et ont de cette manière pu dénoncer la politique répressive mal conduite sur notre territoire. En parallèle, d’autres ont fait des propositions tout à fait irréalistes d’une incarcération de tous les fichiers S, une peine très alourdie pour ces militants religieux…
Cependant, malgré toute la bonne volonté du monde, il sera difficile de réformer une spécialité ô combien difficile à exercer. En effet, et contrairement aux autres spécialités médicales, la psychiatrie n’obéit pas nécessairement à des règles cartésiennes. Il est parfois impossible de se faire une idée de la dangerosité d’un patient ou de son possible passage à l’acte.
Tous les professionnels de santé sont conscients de cet écueil, et souvent ont des remords du fait d’une prise de position dans certains cas inexacte. En ce qui me concerne j’ai très récemment vécu une expérience très traumatisante, causée par un aveuglement qui faisait suite à une aide financière faite à un étudiant qui était un manipulateur pervers. Je n’ai pas vu derrière cette relation une volonté assumée de sa part de m’utiliser.
Cette expérience m’a permis de comprendre que la personnalité de certains individus peut détruire à petit feu celui qui tend la main.
La psychiatrie, une spécialité souvent dénigrée
Oui, la psychiatrie est une spécialité souvent mal aimée (ce n’est pas de celle qui a la préférence des étudiants lors de choix des ECN ou EDN actuellement), est fréquemment mal considérée par nos compatriotes. Quant aux politiques, depuis des décennies, ils réduisent les dépenses allouées à ce secteur en limitant de manière drastique le nombre de lits d’hospitalisation. En parallèle, comme c’est le cas pour de nombreuses spécialités, il existe un déficit criant de ces soignants.
Grâce à cet éclairage (je ne me considère pas comme une tête pensante au-dessus du lot) nous comprenons fort bien les raisons qui sont à l’origine de ce manque de « clairvoyance » (c’est une idée toute faite que de nombreux Français partagent) de la part de praticiens pourtant aguerris. Aussi avant de trouver le bouc émissaire idéal, il semble impératif de bien regarder autour de soi, et reconnaître aussi ses propres manquements. Malheureusement un tel comportement est mal accepté par des politiques qui pensent être des femmes ou des hommes sans aucun défaut.
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