Si vous habitez cette planète, vous n’avez pas pu manquer les manifestations rapprochées du changement climatique, y compris dans notre vieil Hexagone. En 2023, 50 millions de Français·e·s furent exposé·e·s aux canicules, deux Français·e·s sur trois au risque d’inondation et 93 départements concernés par des restrictions d’eau. Et, manifestement, il n'est pas prévu que les choses s'améliorent de sitôt.
Là où ça nous intéresse, c'est que le système de santé, comme d'autres, ne sera pas épargné. Il devra faire face à des bouleversements planétaires qui impacteront notre santé et nos pratiques professionnelles. Un retour en arrière n'est pas possible. Alors, si vous êtes soignant·e, ou patient·e, il est grand temps de vous demander comment rendre notre système de santé résilient à échéance, disons… 2050.
2050, ce n’est pas très loin mais c’est un cap. En effet, l'Union européenne s'est engagée à adopter la neutralité carbone d'ici à cette date. C’est l’unique façon de respecter l'Accord de Paris, adopté en 2015 par près de 200 pays, dont la France, lors de la COP 21, visant à maintenir « l'augmentation de la température mondiale moyenne bien en dessous de 2 °C au-dessus des niveaux préindustriels ».
On sait maintenant que l’offre et l’activité de soins, en France comme ailleurs, s(er)ont forcément bouleversées par la « double contrainte carbone » théorisée par le think tank The Shift Project. Le secteur de la santé doit réduire ses émissions de gaz à effet de serre tout en cherchant des substituts aux énergies fossiles, dont il est extrêmement dépendant mais dont la disponibilité s’amenuise, et, en même temps, anticiper les conséquences de la crise climatique et de la dégradation des écosystèmes sur la santé de la population.
Savoir comment adapter nos pratiques professionnelles dans un monde déjà en contraction énergétique et matérielle, c’était justement tout l’objet du congrès médical Santé en 2050, organisé le 29 juin dernier par Les Shifters, association de soutien au Shift Project.
« On n’est pas prêt·e·s »
Pour ma part, j’en ai surtout retenu qu’indéniablement, « on n’est pas prêt·e·s ».
Pas prêt·e·s à rechercher chez chaque patient·e les « déterminants écologiques de sa santé » (dérèglement climatique, perte de la biodiversité, pollution environnementale…).
Pas prêt·e·s à faire face à un monde où les événements météorologiques extrêmes se multiplient, où la canicule génère une surmortalité systématique, en particulier chez nos patient·e·s les plus vulnérables, et où la pollution atmosphérique explique, au moins en partie, l’excès de pathologies neuro-cardiovasculaires et respiratoires observées au quotidien.
Pas prêt·e·s à changer de paradigme en osant la critique de la techno-médecine moderne (high-tech), qu'on côtoie au quotidien, pour penser la place de la low-tech.
Pas prêt·e·s à gérer l’accélération de l’émergence des nouvelles maladies infectieuses et de la résistance croissante aux antibiotiques, à l’origine, avec le mésusage, de 1 million de morts par an sur la planète.
Pas prêt·e·s à accepter les tensions d'approvisionnement en médicaments dans les hôpitaux ou à l'officine, alors même qu’en 2023, plus de 5 000 ruptures de médicaments ont été déclarées en France, soit 30 % de plus qu'en 2022 et six fois plus qu'en 2018.
Je m’arrêterai là pour ne pas trop alimenter votre écoanxiété…
L’adaptation et la résilience de notre système de santé sont encore à notre portée
Faire face à des bouleversements prévisibles
Cette journée a donc montré que le système de santé français, essoufflé, n'est pas prêt à faire face à ces bouleversements prévisibles. Mais son adaptation et sa résilience sont encore, si l’on ne tarde pas, à notre portée. Soigner à l'infini dans un monde fini ne sera pas tenable. Selon les conclusions du Shift Project, c’est un véritable changement culturel qu’il nous faut opérer afin de basculer d’un système basé sur le soin (mobilisant 98 % du budget annuel de la santé alors qu’il ne compte que pour 15 % des déterminants de la bonne santé) vers un système à visée préventive. Au-delà de l’indispensable décarbonation du système de santé, il conviendra, aussi, de développer la prévention, la promotion de la santé et le juste soin (PPJS) dont, par exemple, l’éco-prescription déjà abordée par Le Quotidien.
L'engouement pour cette première édition du congrès Santé en 2050, passionnément portée par les bénévoles Shifters convaincu·e·s, montre que beaucoup d’acteurs sont prêts à s’informer davantage et à passer à l'action pour rendre le système de santé plus durable. D’autres sont et seront là pour leur montrer le chemin.
Acteurs de santé, prenons enfin à notre compte le conseil de Jean Jouzel, paléoclimatologue et membre historique du Groupe d'experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) : « l’action pour le climat est le meilleur antidote à l’écoanxiété ».
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