Adoptée en 1er lecture le 8 octobre, la proposition de loi Gaillot pourrait améliorer les conditions de prise en charge des patientes souhaitant disposer d’une interruption volontaire de grossesse (IVG). Après plusieurs mois de travail, l’audition des représentants de tous les professionnels concernés, et la publication de deux rapports parlementaires de Marie-Noëlle Battistel et Cécile Muschotti sur l'accès à l'interruption volontaire de grossesse, ainsi que d’Albane Gaillot sur la proposition de loi visant à renforcer le droit à l’avortement, l’Assemblée nationale a débattu d’une proposition de loi dont l’objectif est de lever les freins qui perdurent dans le parcours de soins des femmes pour la réalisation de cet acte. Membre du groupe parlementaire Ecologie Démocratie Solidarité qui a inscrit cette proposition à l’ordre du jour de sa journée d’initiative parlementaire, je l’ai défendu en tant que responsable du texte.
Le texte transmis au Sénat allonge le délai d’avortement de 12 à 14 semaines de grossesse, autorise les sages-femmes à réaliser des IVG instrumentales jusqu’à la 10e semaine de grossesse, conforte le droit au choix de la méthode utilisée, apporte de meilleures garanties sur la mise en œuvre de la confidentialité, supprime le délai de réflexion de deux jours en cas d’entretien psycho-social préalable, demande la publication d’un répertoire des professionnels de santé et des établissements qui pratiquent l’IVG par les ARS, ou encore, supprime la clause de conscience spécifique à l’IVG.
Les débats parlementaires ont suivi un motif d’intérêt général : améliorer les parcours de soin des patientes. Toutes les dispositions adoptées visent à répondre à des situations d’entraves à l’IVG qui perdurent :
- L’allongement de 2 semaines, car trop de femmes sont obligées de partir à l’étranger pour les effectuer. Les IVG tardives concernent en priorité les jeunes et les femmes précaires. Ce sont elles qui renoncent au droit à l’IVG pour des raisons financières ou organisationnelles parce qu’elles ne peuvent pas partir à l’étranger. C’est donc une mesure de justice sociale ;
- La montée en compétence des maïeuticiens pour permettre de répondre à une difficulté de plus en plus croissante d’accès à l’IVG. En tant que médecins, nous sommes tous confrontés aux tensions de l’offre de soins pour l’ensemble des actes, et nous ne pouvons pas en ignorer les conséquences ;
- La suppression de mesures surannées ou incohérentes, issue d’équilibres politiques datant de 1975 et qui maintiennent l’IVG comme un acte de soin à part, alors qu’on estime aujourd’hui qu’une femme sur trois a recours à l’IVG. L’IVG doit être reconnue comme un droit effectif et pas seulement comme une tolérance. Trop souvent encore, les femmes se retrouvent dans une situation de culpabilisation, la clause de conscience spécifique à l’IVG est le vestige d’une stigmatisation.
Répondre aux enjeux contemporains de l'IVG
Ainsi, la proposition de loi Gaillot permet, 45 ans après la loi Veil, de répondre aux enjeux contemporains de l’IVG : en remettant la femme au centre du parcours du soin et en s’assurant que celui-ci puisse être mis en œuvre et facilité en France.
C’est aussi une proposition de loi équilibrée, qui ne remet nullement en cause le droit, pour n’importe quel professionnel de santé, de refuser de réaliser un acte du fait de ses convictions personnelles, quelle que soit leur nature. J’ai entendu les inquiétudes de certains confrères concernant la clause de conscience : c’est un droit fondamental garanti à l’article R.4127-47 du code de la santé publique. Un praticien pourra toujours refuser de pratiquer l’IVG et la proposition de loi lui conserve l’obligation de signifier son refus sans délais et de réorienter la femme vers des professionnels pratiquant l’IVG.
En somme, la loi Gaillot est une réponse parmi d’autres à l’ensemble des enjeux qui se posent, désormais, à notre profession. Elle nous amène à :
- repenser notre relation avec le patient, acteur à part entière de son parcours de soin ;
- garantir pour chacun la liberté de disposer de son corps ;
- décloisonner et déléguer en s’appuyant sur les compétences éprouvées des sages-femmes, en repensant la structure de l’offre de soins ;
- et resituer, là où est leur place, nos intimes convictions qui jamais, ne doivent pouvoir s’imposer à l’intérêt du patient.
Exergue : C’est une proposition de loi équilibrée, qui ne remet nullement en cause le droit, pour n’importe quel professionnel de santé, de refuser de réaliser un acte du fait de ses convictions
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