Dr Agathe Scemama : « Je ne peux presque plus me passer de l’IA vocale »

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Publié le 24/01/2025
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Médecin généraliste à Paris, la Dr Agathe Scemama utilise depuis près d'un an l’assistant vocal de Doctolib, basé sur l'intelligence artificielle. Entre gain de confort, simplification des consultations et impact sur la relation au patient, elle partage son expérience en tant que bêta-testeuse et évoque les avantages et limites de cet outil en constante évolution.

Le Dr Agathe Scemama, médecin généraliste à Paris

Le Dr Agathe Scemama, médecin généraliste à Paris
Crédit photo : DR

LE QUOTIDIEN : Que pensez-vous de l'intégration de l'intelligence artificielle vocale en médecine ?

Dr AGATHE SCEMAMA : Il est indispensable de s'en emparer pour ne pas subir un système qu'on ne comprend pas. Je ne suis ni informaticienne ni développeuse mais je crois qu'il est essentiel d'apprendre à utiliser ces outils pour simplifier notre pratique, surtout pour les générations qui n'ont pas grandi avec un ordinateur. Cela fait un peu moins d'un an que j'utilise l’assistant médical de Doctolib. J'ai répondu à un appel à candidature pour tester cet outil. J'avais déjà essayé Nabla, une autre IA, mais cela me prenait trop de temps pour corriger les erreurs. La première version de l'outil de Doctolib n'était pas satisfaisante non plus. Depuis fin août, une version améliorée a été mise au point. Aujourd’hui, je ne peux presque plus m'en passer. Finalement, ce qui me plaisait chez Nabla se retrouve chez l’assistant de Doctolib, qui a considérablement amélioré sa copie. J'utilise désormais l'ensemble des services de l’entreprise, même si cela représente un coût d’environ 80 euros par mois.

Qu'apporte cet outil à votre pratique et comment fonctionne-t-il ?

Il simplifie les consultations, réduit ma charge mentale et me permet d'être moins fatiguée. Cela améliore également le confort de consultation, notamment pour des soins non programmés ou des urgences. Par exemple, une consultation pour une pharyngite est très rapide et bien structurée grâce à l'IA. Avant chaque consultation, je demande son autorisation au patient pour utiliser l'intelligence artificielle. Certains refusent, ce que je respecte totalement. J’ai également affiché dans ma salle d’attente une pancarte sur laquelle il est écrit que j’utilise un assistant vocal. Les transcriptions sont conservées 24 à 48 heures maximum, après quoi elles ne sont plus accessibles. Le compte rendu proposé par l'IA est ensuite intégré au dossier médical du patient, après relecture et éventuelles modifications puis validation de ma partie.

Les comptes rendus proposés sont-ils toujours fiables ?

Globalement, oui, mais il reste des imperfections, notamment sur l'orthographe de certains médicaments. Plus de la moitié de mon activité est dédiée à la santé de la femme, j’aimerais donc qu’il puisse aussi remplir des trames préétablies pour des consultations spécifiques, comme le suivi de grossesse ou les consultations pédiatriques, mais ce n'est pas encore possible.

L’assistant vocal modifie-t-il votre relation avec vos patients ? Si oui, de quelle façon ?

Oui, je passe moins de temps à regarder mon écran ou mon clavier et davantage à interagir avec mes patients. Cela rend les consultations plus centrées sur eux, ce qui est très apprécié. La plupart de mes patients sont à l'aise avec les outils numériques et trouvent cela naturel. Certains sont même développeurs ou travaillent dans l’intelligence artificielle. Au final, assez peu de mes patients expriment des craintes. Une minorité refuse. Une patiente m'a dit un jour qu'elle avait accepté pour me faire plaisir mais que cela la mettait trop mal à l'aise. Nous avons donc arrêté pour elle.

Quelles sont les principales limites ou difficultés rencontrées avec l'IA vocale dans votre pratique quotidienne ?

Plus un cas est complexe, plus l'IA a du mal à faire une bonne synthèse, même quand je dicte mot à mot la synthèse. Par exemple, lorsque plusieurs problèmes de santé coexistent chez un patient, ce qui est de plus en plus fréquent avec les maladies chroniques et les comorbidités, l'IA peine à intégrer toutes les informations pertinentes. Dans des cas comme l'insuffisance cardiaque, le diabète ou d'autres pathologies, l'IA peut avoir du mal à gérer la complexité de la prise en charge. Dès qu'il y a plusieurs éléments à prendre en compte en parallèle, l'IA peut rencontrer des difficultés pour faire une synthèse précise et pertinente.

Avez-vous le sentiment que l'usage de l'IA vocale va s’étendre parmi les généralistes et les médecins en général ?

Oui, cette évolution semble inévitable. C'est un peu comme les questions qu'on se posait à la fin des années 1990, début des années 2000, lorsqu'il était question d'informatiser les cabinets médicaux. Aujourd'hui, il serait impensable de ne pas avoir un dossier médical informatisé.

Propos recueillis par Aude Frapin

Source : Le Quotidien du Médecin