LE QUOTIDIEN : Pourquoi tant de jeunes Français s’expatrient-ils pour suivre des études de médecine ?
YANNICK NEUDER : C’est le résultat d'une sélection drastique durant les premières années d'études de santé, privant ainsi la France de nombreux médecins potentiels. Une aberration, tandis que 87 % du territoire est en situation de désert médical ! Ce phénomène, qui entraîne parfois une expatriation, reste largement méconnu. Les destinations prisées par ces étudiants et leurs familles comptent la Roumanie, la Belgique, l'Espagne, le Portugal et même le Canada. De manière générale, bien que les chiffres exacts soient difficiles à établir par manque de traçabilité, on estime entre 5 000 et une dizaine de milliers d’étudiants Français refoulés dans l’Hexagone contraints de partir à l’étranger. Parmi eux, 2 000 sont en Roumanie, dont 700 à l'université internationale de Cluj-Napoca.
Si la persistance d’un numerus est la cause principale de cette sélection bien trop forte à l’entrée des études, l’iniquité de l’usine à gaz Pass/L.AS est un catalyseur ! L’interdiction du redoublement en première année, l’instauration de parcours en économie ou en littérature avec des mineures en santé ou encore des oraux dysfonctionnels ont conduit à anéantir des vocations. Le système est défaillant sur toute la chaîne de formation ; en témoignent les récents déboires liés à l’organisation des Ecos. Nous avons perdu le contrôle de la formation en santé dans notre pays !
« Pour revenir en France, ces étudiants sont livrés à eux-mêmes »
Yannick Neuder (LR)
Quel est l'objectif de votre mesure de rapatriement des étudiants français partis à l'étranger ?
L’objectif premier est de colmater la fuite de nos talents broyés par le système français d’accès aux études. Un sujet délicat, que le gouvernement n’a pas le courage d’affronter. C’est une triple peine : pour l’accès aux soins, pour les étudiants – qu’on refoule parfois pour des dixièmes de points et à qui on interdit le redoublement – et pour les familles, qui payent des sommes astronomiques – entre 7 000 et 10 000 euros par an – pour que leurs enfants puissent affirmer leur vocation hors de France !
C’est pourquoi la mesure inscrite à l’article 2 de ma proposition de loi, adoptée en première lecture en décembre, propose que les étudiants concernés aient la possibilité de rejoindre un cursus de médecine, chez nous, au deuxième cycle. Actuellement, ces étudiants sont livrés à eux-mêmes pour revenir et reprendre le cursus en vue de l’internat ! Il faut leur tendre à nouveau la main. À 18 ans, ils ont été capables d’aller en Roumanie ; à 25 ans, ils pourraient nous échapper définitivement au profit d’un exercice en Suisse ou en Allemagne. Seul le gouvernement fait mine d’ignorer le problème ! L’absurdité du système actuel fait que bon nombre de nos hôpitaux accueillent des externes français qui étudient en Roumanie et effectuent leur mobilité à l’étranger chez nous. On marche sur la tête !
La qualité de la formation proposée dans ces pays est-elle suffisante ?
Ce n’est pas au député que je suis d’en juger. C’est à nos facultés d’évaluer leurs capacités quand le dispositif sera déployé. La mesure que je défends vise justement à mettre en demeure l’État d’organiser au mieux ce rapatriement et cette réintégration à nos cursus. L’intérêt pour les étudiants, leurs familles et nous tous, c’est de les former en France !
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