L'incidence du cancer du pancréas ne cesse d'augmenter pour atteindre aujourd'hui près de 15 000 nouveaux cas par an en France. « En 2030, ce sera la deuxième cause de mortalité par cancer après les tumeurs bronchiques. Alors qu'on est encore très limité en termes de traitements efficaces, c'est un vrai problème de santé publique », reconnaît le Pr Pascal Hammel, chef du service d'oncologie digestive à l'hôpital Beaujon (APHP, Clichy). De plus, « c'est un cancer très difficile à traiter car des micrométastatiques apparaissent très tôt : 80 % des patients sont diagnostiqués à un stade où la maladie n'est pas opérable », explique la Dr Cindy Neuzillet de l'Institut Curie (Paris).
Cependant, l'étude de phase III POLO a mis en évidence un bénéfice inédit dans un sous-groupe de patients présentant une mutation germinale BRCA 1 ou 2, soit 5 % des cancers du pancréas…
À la recherche de la mutation BRCA
La mutation BRCA rend sensible les tumeurs à un inhibiteur de l'enzyme PARP pour ralentir leur progression. Ainsi, dans un premier temps, cette altération génétique a été cherchée chez plus de 3 300 patients tout venant à travers 12 pays, traités par FOLFIRINOX (5FU, irinotecan et oxaliplatine) pour un cancer du pancréas métastatique. Au final, 154 patients BRCA mutés dont la progression tumorale était contrôlée (stabilisation ou réponse) pendant au moins 4 mois ont été inclus dans l'essai randomisé POLO. Ils recevaient en traitement de maintenance soit un inhibiteur de PARP, l'olaparib (n = 92), soit un placebo (n = 62).
47 % de réduction du risque de progression tumorale
« Sous olaparib, la survie sans progression était deux fois plus longue que sous placebo », s'enthousiasme le Pr Hammel, coordonnateur de l'étude en France. En effet, la survie sans progression a atteint 7,4 mois avec l'olaparib versus 3,8 mois sous placebo (p = 0,0038), soit une réduction de 47 % du risque de progression. « Dans le bras olaparib, certains patients répondaient de façon très prolongée avec des survies sans progression qui atteignaient deux ans. Jusque-là, nous n'avions jamais vu cela dans le cancer du pancréas métastatique », s'étonne la Dr Neuzillet. À deux ans, 22 % des patients traités par olaparib avaient une tumeur toujours contrôlée (versus 10 % sous placebo).
Deux fois plus de répondeurs
Avec l'olaparib, le taux de réponse tumorale était deux fois plus élevé que dans le groupe placebo (23,1 % versus 11,5 %) et la durée de réponse s'étalait étonnamment jusqu'à deux ans (24,9 versus 3,7 mois).
Pour l'instant, aucune différence n'est observée en termes de survie globale (18,9 versus 18,1 mois) mais les résultats ne sont pas suffisamment matures. « Un bénéfice en survie globale va sans doute être difficile à montrer car plusieurs patients ayant progressé sous placebo ont ensuite reçu de l'olaparib », note le Pr Hammel.
La qualité de vie était préservée, sans différence entre les deux bras. Quant au profil de tolérance, davantage de toxicités sévères (grade ≥ 3) étaient rapportées : 40 % sous olaparib versus 23 % avec le placebo. Les principaux effets secondaires sous olaparib étaient la fatigue (60 % versus 35 %), les nausées (45 % versus 23 %) et la diarrhée (29 % versus 15 %).
« C'est le premier essai de phase III international qui valide un traitement ciblé dans le cancer du pancréas, conclut le Pr Hammel. Néanmoins, se pose le problème de la sélection des malades pour la recherche de mutations et des moyens dont il faudrait disposer pour la réaliser à grande échelle ».
D'après la présentation orale (abstr LBA4) et les commentaires du Pr Pascal Hammel (hôpital Beaujon, Paris) et de la Dr Cindy Neuzillet (Institut Curie, Paris)
Golan T., Hammel P., Reni M., et al. Maintenance olaparib for germline BRCA- mutated metastatic pancreatic cancer. N. Engl. J. Med 2019;juin 2019.
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