La mort subite est la face cachée de l’HTA qui du fait de son importante prévalence en est le principal facteur de risque. Aux États-Unis d’Amérique, on comptabilise 326 000 cas de mort subite par an, représentant 5,6 % des décès. Or, malgré la diffusion dans ce pays des défibrillateurs dans les espaces publics, le taux de survie d’un patient présentant une mort subite est inférieur à 5 %. Les mécanismes à l’origine des morts subites cardiaques au cours de l’HTA sont doubles, indirects passant par les lésions athéromateuses coronariennes et l’infarctus du myocarde, et directs liés aux effets hémodynamiques de l’élévation de la post-charge à l’origine d’une hypertrophie ventriculaire gauche (HVG) source d’instabilité électrique et d’arythmies ventriculaires secondaires à l’hypertrophie cardiomyocytaire et aux modifications de l’interstitium cardiaque (fibrose).
Les études épidémiologiques révèlent que l’HTA, comme les autres facteurs de risque de l’athérosclérose, prédit aussi bien le risque d’infarctus du myocarde fatal que celui de mort subite. Ainsi, dans l’étude prospective parisienne ayant inclus 7 746 hommes, l’élévation de la pression artérielle systolique augmente de 23 % le risque de mort subite et de 37 % celui d’infarctus fatal en analyse multivariée. Il en est de même chez les 121 701 femmes américaines de la Nurses’ Health Study Cohort où, en analyse multivariée ajustée à l’âge, l’HTA augmente de 2,49 fois le risque de mort subite.
Les complications mécaniques de l’HTA, qui génère une augmentation de la masse ventriculaire gauche, représentent le deuxième mécanisme, comme le suggèrent les relations entre le niveau de pression artérielle systolique et diastolique et les taux de mort subite retrouvés dès 1984 par l’étude de Framingham. Trente ans plus tard, ces liens étroits entre élévation tensionnelle et risque de mort subite ont été confirmés par plusieurs études épidémiologiques. Chez 2 666 hommes finlandais, le quartile le plus élevé de la pression artérielle prédit le risque de mort subite, tant pour la systolique (> 145 mmHg) où il est augmenté de 2,04 fois, que pour la diastolique (> 95 mmHg) où il est majoré de 1,6 fois. Chez les 161 808 femmes américaines de la WHICTOS, l’HTA prédit le risque de mort subite en analyse multivariée autant dans l’ensemble de la population (OR = 1,40) que chez les femmes sans antécédents de maladie coronarienne (OR = 1,55). Du fait de la forte prévalence de l’HTA dans la population, le pourcentage de mort subite qui lui est attribuable est de 21,5 %, en faisant le principal facteur risque de mort subite. Constatation universelle, puisqu’également retrouvée avec le même niveau, chez 26 870 Japonais où le pourcentage de morts subites attribuables à l’HTA est de 23 %.
Origine ethnique et âge
Le risque de mort subite secondaire à l’HTA est majoré par deux paramètres, l’origine ethnique et l’âge. Dans l’étude LIFE, n’ayant inclus que des hypertendus porteurs d’une HVG électrique, le risque de mort subite est plus important chez les sujets noirs que chez les non noirs, le taux de mort subite à 5 ans étant respectivement de 3,9 vs 1,9 % (p = 0,007), une HVG plus importante en est probablement la cause. Enfin, le risque de mort subite s’aggrave avec l’âge et donc la durée d’exposition à l’HTA, la proportion de sujets hypertendus parmi les patients décédés de mort subite cardiaque étant de 52 % avant 60 ans et de 71 % après (p < 0,001).
Dépister les hypertendus à risque de mort subite, grâce à l’électrocardiogramme et l’échocardiographie recherchant le substrat arythmogène, l’HVG et la maladie coronaire, et prendre des mesures pour s’y opposer doivent devenir un des buts de la prise en charge de l’HTA. Le traitement antihypertenseur devra éviter l’apparition d’une hypokaliémie dont le caractère arythmogène est démontré. En cas d’HTA sévère ou résistante, quand des posologies importantes de diurétiques thiazidiques sont nécessaires, une association à un diurétique distal, comme un antagoniste des récepteurs minéralocorticoïdes, devra être privilégiée si la fonction rénale et l’absence d’hyperkaliémie l’autorisent. Un blocage optimal du système rénine-angiotensine est également nécessaire, du moins chez les hypertendus diabétiques avec HVG électrique, une analyse exploratoire post-hoc de l’étude LIFE, portant sur les patients diabétiques, ayant retrouvé une diminution de 51 % du risque de mort subite sous losartan par rapport à l’aténolol. Une régression de l’HVG devra être obtenue grâce à l’efficacité du traitement anti-hypertenseur, étant associée au cours de l’étude LIFE à une diminution de 19 à 30 % du risque de mort subite, en fonction du critère électrocardiographique servant à définir l’HVG.
(1) Fédération des services de cardiologie, CHU Toulouse-Rangueil, Toulouse
(2) INSERM UMR 1048, Institut des maladies métaboliques et cardiovasculaires (I2MC). Université Paul Sabatier. Equipe 7 «Obésité et insuffisance cardiaque: approches moléculaires et cliniques », Toulouse
(3) Université Paul Sabatier-Toulouse III. Faculté de médecine, Toulouse
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