La relation entre fibrillation atriale (FA) et obésité est connue depuis plusieurs années. L'étude de Framingham avait déjà montré que l'augmentation du BMI était associée à une augmentation du risque de FA, une relation attribuée aux comorbidités partagées entre les sujets obèses et ceux en FA. Une étude australienne parue dans le JAMA en 2013 (1) a montré un lien plus direct entre FA et obésité. Cette étude a inclus 150 patients ayant un BMI > 27, présentant une FA paroxystique ou persistante. Ces patients ont été randomisés en deux groupes : le premier devait suivre un régime hypocalorique strict, reprendre une activité physique régulière et contrôler ses facteurs de risque vasculaire ; dans le second groupe, seuls les facteurs de risque étaient contrôlés. Après 15 mois de suivi, le BMI des patients du premier groupe était à 27 et le nombre et la durée des épisodes de FA, ainsi que les symptômes associés, avaient très significativement diminué ; dans le groupe contrôle, aucun changement n'était noté.
Cette étude suggère un impact de l’obésité, et du surpoids sur le développement du substrat de la FA qui se compose d’anomalies de l’activité électrique et de l’histologie du myocarde auriculaire dominée par une fibrose interstitielle massive. Ceci a pu être démontré expérimentalement. Les moutons obèses développent une FA liée notamment à l'infiltration du myocarde auriculaire par du tissu gras qui favorise l’hétérogénéité électrique des oreillettes, un facteur arythmogène (2).
De l'infiltrat graisseux à la fibrose
Parallèlement, plusieurs travaux de recherche se sont intéressés aux conséquences physiopathologiques de l’accumulation de tissu gras dans le myocarde (3). Il pourrait s’agir d’une source importante de cytokines capables d’induire la fibrose du myocarde auriculaire ou encore de réguler le stress oxydant du myocarde. Par ailleurs, l'infiltration du sous-épicarde auriculaire par le tissu adipeux peut aussi désorganiser la dépolarisation myocardique, ces infiltrats graisseux étant remplacés par de la fibrose lors de la FA permanente.
Les données épidémiologiques sont donc importantes et indiscutables et les bases physiopathologiques qui relient le tissu gras épicardique et la FA se dévoilent peu à peu. Les progrès de l’imagerie (IRM ou scanner) permettent d’étudier ce tissu adipeux en pratique clinique qui pourrait devenir un précieux marqueur de la progression du substrat de la FA ou de la localisation des zones d’ablation. Le tissu adipeux cardiaque est aussi une source potentielle de biomarqueurs comme les adipocytokines.
Enfin, on sait que la FA est une maladie qui évolue à bas bruit. Il est intéressant d'intervenir en amont sur les facteurs de risques, l'obésité en fait partie.
D’après un entretien avec le Pr Stéphane Hatem, Institut de Cardiologie, Groupe hospitalier La Pitié-Salpêtrière, Paris
(1) Abed HS et al. JAMA 2013;310(19):2050-60
(2) Mahajan R et al. J Am Coll Cardiol 2015;66(1):1-11
(3) Hatem SN et al. Cardiovasc Res 2014;102(2):205-10
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