La moitié des diabétiques en Europe seraient concernés par l’artériopathie des membres inférieurs : c’est dire l’importance d’une évaluation vasculaire devant toute plaie chez un diabétique. « C’est la présence d’une ischémie tissulaire qui décide de l’urgence à réaliser un échodoppler des membres inférieurs », explique le Dr Jacques Martini (Toulouse). Celle-ci sera évaluée par l’index de pression systolique (IPS) – dont on connaît les limites en cas de médiacalcose – ou, si l’on dispose de l’appareil, par la mesure de la pression d’orteil, ou encore celle de l’oxygénation tissulaire par la TcPO2, dans les centres spécialisés.
Détersion… mais pas en cas d’ischémie
En éliminant les tissus inertes fibrineux ou nécrotiques qui font obstacle à la cicatrisation, la détersion diminue la charge bactérienne et prépare le lit de la plaie. Elle s’effectue du centre vers la périphérie en évitant de trop faire saigner. Elle peut s’accompagner d’un lavage à l’eau et au savon à la seringue ou à la douchette sous pression, jusqu’à obtenir l’aspect d’une plaie aiguë propre. Les antiseptiques n’ont aucune place dans les soins !
En revanche, en cas d’ischémie, la détersion est contre-indiquée, ou au minimum retardée, après avis d’un chirurgien vasculaire – sauf en présence de nécrose sous tension inflammatoire, infectée et douloureuse. « On ne devrait jamais déterger une plaie si on ne connaît pas l’état vasculaire ou si on n’a pas pris les pouls pédieux, appuie Isabelle Gueguen, infirmière diplômée d’État (IDE) à Charenton-le-Pont. On ne doit pas non plus ramollir les tissus nécrosés sur un membre ischémique. En l’absence de revascularisation possible, on cherche à momifier la plaie avec de la fluorescéine à 1 % et des compresses sèches ou un alginate ».
Quant à l’hyperkératose, elle doit être retirée car elle peut masquer une plaie plus profonde, qui paraîtra donc élargie par la détersion, élément dont il faut prévenir le patient.
Ce geste de détersion baigne dans un cadre juridique assez flou puisque, d’un point de vue légal, la détersion mécanique est un acte médical, alors que IDE réalisent fréquemment ce geste en pratique et qu’un décret du 29 juillet 2004 rappelle qu’elles sont tenues de soigner selon l’état des connaissances et l’évolution des techniques.
Après détersion, il faut sécher soigneusement les espaces interdigitaux, protéger la peau périlésionnelle et le pied (insérer des compresses entre les orteils). Le sparadrap doit être appliqué uniquement sur la bande et jamais directement sur la peau.
La mise en décharge est indispensable. Elle doit être permanente, immédiate et totale mais elle est souvent peu ou mal utilisée. L’idéal serait un plâtre inamovible mais, pour faciliter l’observance, on composera aussi avec les préférences et le mode de vie du patient pour prescrire une botte amovible.
Deux types de plaies
Les ulcères du pied diabétique (UPD) d’origine artérielle concernent plutôt les bords latéraux ou la face dorsale des pieds. Ils sont très douloureux (sauf en cas de neuropathie associée) avec un aspect volontiers nécrotique, inflammatoire et de fréquentes surinfections.
Au contraire, les UPD d’origine neuropathique sont généralement indolores, siègent au niveau des zones d’hyperpression – plante des pieds, pulpe des orteils, face dorsale d’orteils déformés – avec un fond plus ou moins bourgeonnant et un contact osseux fréquent.
Actuellement aucun pansement n’a démontré sa supériorité et le choix dépend essentiellement du stade et de l’aspect de la plaie : hydrocellulaires et interfaces si elle est bourgeonnante et peu exsudative, hydrofibres et alginates si les exsudats sont importants ; hydrocellulaires, hydrofibres, alginates dans les plaies fibrineuses et exsudatives ; hydrogel si elles sont fibrineuses et sèches. Dans les pertes de substances importantes non ischémiques, non infectées et bourgeonnantes, le traitement par pression négative peut être une bonne alternative.
La cicatrisation n’est qu’une rémission, pas une guérison : tout doit être fait pour tenter de prévenir la récidive. En effet, 44 % des patients sont réhospitalisés dans l’année suivante pour une nouvelle plaie, avec un risque élevé d’amputation et de décès. « On ne traite pas seulement une plaie mais un malade. Aucun pansement ne fera de miracle : un ulcère veineux ne guérira pas sans compression, le mal perforant ou l’escarre doit être mis en décharge, un ulcère artériel ne guérira pas sans revascularisation », prévient le diabétologue. « Il faut bien sûr vérifier l’autre pied pour prévenir des plaies à ce niveau, mais aussi intensifier le traitement antidiabétique pour un meilleur contrôle de l’infection, et de la cicatrisation et vérifier le statut immunitaire vis-à-vis du tétanos », insiste l’infirmière.
Communications d’Isabelle Gueguen (Charenton-le-Pont), IDE, et du Dr Jacques Martini, Centre de cicatrisation des plaies du pied diabétique (Toulouse)
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